Mohamed Moulay, l'homme qui en 2002 avait accusé le dirigeant d'extrême-droite français Jean-Marie Le Pen d'avoir torturé à mort son père, alors membre du Front de libération nationale (FLN), lors de la bataille d'Alger en 1957, est décédé, annonce Le Monde daté de mercredi. Celui que Le Monde surnomme «l'homme au poignard de Le Pen » est mort le 28 avril à Alger d'une embolie pulmonaire, précise le quotidien. Révélée par Le Monde en mai 2002, entre les deux tours d'une présidentielle opposant Jean-Marie Le Pen à Jacques Chirac, l'affaire avait fait grand bruit. Le président du Front national avait alors attaqué le quotidien en diffamation. Mais en juin 2003, il avait perdu son procès, une décision confirmée en appel et en cassation. Le tribunal correctionnel de Paris avait estimé que «la légitimité du but poursuivi par la journaliste (Florence Beaugé) n'était pas contestable dès lors qu'il s'est agi pour elle d'informer les lecteurs du journal, à la veille d'élections majeures pour le pays (...) sur le passé d'un homme politique candidat à la magistrature suprême ». A l'audience avait notamment été produit un poignard fabriqué en 1938 sous l'Allemagne nazie et portant l'inscription «JM Le Pen, 1er REP » (régiment étranger de parachutistes). Cette arme aurait été retrouvée par Mohamed Cherif Moulay, dont le père Ahmed, alors un des responsables du FLN, avait subi sous ses yeux le supplice de l'eau. Mohamed Moulay a toujours assuré que son père avait été torturé et tué par une unité dirigée par Jean-Marie Le Pen le 3 mars 1957 en pleine bataille d'Alger. Une vingtaine de parachutistes aurait pénétré à leur domicile dans la Casbah et supplicié l'homme de 42 ans sous les yeux de sa femme et de ses enfants. Alors âgé de 12 ans, Mohamed aurait retrouvé le poignard de Jean-Marie Le Pen, qui serait revenu le chercher en vain le lendemain, et l'aurait caché pendant quarante ans avant de le confier à l'envoyée spéciale du Monde à Alger en 2003. A l'époque, Jean-Marie Le Pen, avait opposé un démenti formel aux «pseudo-témoignages » publiés par le quotidien, évoquant «une manipulation qui constituait un véritable appel au meurtre » contre lui. Selon Le Monde, le poignard se trouve toujours à Paris dans le coffre-fort de l'avocat du journal, Me Yves Baudelot. Comme l'avait promis Mohamed Moulay, il devrait bientôt rejoindre le musée des Moudjahidine d'Alger.