Après une campagne marquée par un affichage anarchique, les candidats laissent l'espace public dégradé. Le rideau est tombé sur la campagne électorale pour les législatives du 10 mai. Les candidats observeront le mutisme jusqu'au jour de l'élection. Les citoyens, eux, ne manifestent aucun intérêt à cette échéance dont la campagne a été l'une des plus mornes de l'histoire de l'Algérie indépendante. Durant toute la période consacrée à la chasse aux électeurs, les tribuns n'ont guère pu attirer l'attention du citoyen lambda. Cependant, malgré le désintérêt opposé aux discours des candidats, il n'en demeure pas moins que les populations gardent l'oeil sur leur attitude et leur comportement. Preuve en est que sur les places publiques à Tizi Ouzou et les communes de la wilaya, les citoyens regardaient d'un oeil critique les affichages anarchiques qui ont survécu à la campagne. Interrogés, certains affirmaient sans complaisance que les affichages qui ont défiguré les murs et les maisons sont un avant-goût de la mentalité de nos futurs députés. «Vous voulez une preuve irréfutable que les futurs élus disparaîtront de notre vue? Eh bien, observez-les s'ils vont revenir nettoyer cette pagaille qu'ils ont laissée. Normalement, après leur campagne, ils devraient revenir nettoyer et enlever leurs affichages qui ont défiguré notre espace. Mais, ils ne le feront pas. Comment voulez-vous qu'ils pensent à nos intérêts une fois à l'assemblée alors qu'ils ne daignent même pas nettoyer les murs qu'ils ont salis?» fulmine un vieil homme, visiblement peiné par ce gâchis laissé sur les murs et les places publiques. «Quoi?! si je suis convaincu par un candidat? qu'ils commencent d'abord par nettoyer les murs. D'abord, ils n'ont pas respecté la loi interdisant l'affichage anarchique eux, qui vont aller faire des lois. Puis, la première règle de bienséance est de laisser l'espace aussi propre qu'on l'a trouvé. Ça prouve qu'il vont penser à nous après le 10 mai», poursuit, narquois, Ramdane, enseignant. Après cette avalanche de remarques, les citoyens abordent les arguments des uns et des autres. «Aucun parti ne m'a convaincu. Les candidats, essentiellement les têtes de liste, je les connais tous. Aucun passé politique hormis un ou deux. D'ailleurs, a-t-on parlé de l'officialisation de la langue amazighe. A-t-on parlé des droits de l'homme?» interroge Hacène, étudiant en droit à l'université de Tizi Ouzou. «Moi, je ne suis convaincu ni par les candidats ni par les initiateurs du boycott. Ils ont tous un intérêt derrière», ajoute son ami. En effet, après la campagne, c'est toujours le scepticisme qui règne en maître. Hormis des militants de parti, aucune personne n'a jugé positives les différentes campagnes. «Oui, je vais voter mais à une condition: en cinq ans, un député va toucher approximativement deux milliards et quatre cents millions de centimes. Celui qui veut ma voix, il m'accompagne chez le notaire pour me signer un engagement qu'il va me reverser un pourcentage de 10%. Bisness, bisness, mon vieux! Chacun ses intérêts. Ils nous l'ont bien enseigné, ces politiciens», affirmait Rabah, commerçant en fruits et légumes qui n'a pas hésité à sortir sa calculatrice pour faire le compte du salaire du député. Enfin, en attendant le 10 mai, la campagne n'a pas réussi à inverser la tendance à l'abstention. Toutefois, il est à signaler que la loi de la chkara semble pervertir l'acte de voter. Ce n'est pas la faute aux prochains élus mais aux précédents. La désaffection des citoyens a toujours trouvé son argumentation dans les précédentes échéances.