La douleur d'un magistrat est de juger deux collaborateurs inculpés d'usage de came, brrr... Le coup de tonnerre qui a ébranlé la bâtisse du tribunal de Bir Mourad Raïs sis cité Saïd Hamdine (Alger) s'est achevé à la barre devant la sublime Yasmina Nouiri, la présidente de la section correctionnelle. Et ce coup de tonnerre concerne deux employés de la justice pris en flagrant délit de «sniff» oui, on se shoote même au sein de la famille de la magistrature! Comme quoi, ce merveilleux monde de la justice est lui aussi concerné, aussi bien par la lutte contre la drogue, mais aussi par «l'usage» par ses fonctionnaires. Le premier inculpé, Amine M. est agent de sécurité très estimé par tous avant d'être entraîné au feu... Le second, un agent qui vient juste de cesser de suivre la grève au même titre que ses collègues du pays n'est pas encore revenu du fait de se trouver aux «Quatre-Ha» d'El Harrach, peut-être même pour un bon bout de temps! Et dire que Lotfi ignorait qu'il était surveillé. Les faits tels que survenus s'étaient déroulés dans le parking réservé aux magistrats où s'élève, «salvatrice», la pharmacie Bouazziz, sont plutôt risibles, comiques et donc narrés sans aucune haine ni passion, mais en relevant un fait clouant. Amine et Lotfi s'étaient planqués contre un arbre et avaient allumé un joint qui leur permettra de planer, planer, planer, jusqu'au moment où un procureur adjoint de Zoubir Talbi, encore sous l'effet de l'assommante grève des greffiers, avait surpris la «séquence», depuis la fenêtre de son bureau. Et comme on n'est jamais mieux servi que par soi-même, le hallali va vite être claironné. Les flics de la brigade de police chargée de la sécurité du tribunal se précipitent et ne font que constater que l'info venue d'en haut était palpable. Surpris d'abord, les deux sniffeurs vont vite réaliser la tonne de tuiles qui allait s'abattre au dessus de leurs têtes, leur mentol, leur liberté peut être perdue temporairement et le boulot perdu à jamais. Et encore, leur veine, c'est que leur action, le délit n'avait pas eu lieu à l'intérieur du tribunal, car, avec un Belkacem Zermati tout remué par la récente décision des greffiers, c'était, à coup sûr, la... crim. Restent les débats face à Nouiri Yasmina et Abderrahim Regad, le procureur qui ne flirte jamais avec les sentiments. Regad qui savait très bien que Lotfi, cet agent de sécurité avait été muté de la cour d'Alger sur Bir Mourad Raïs au même poste, car il venait de faire l'objet du même délit. En bon père de famille, Zermati le procureur général avait eu vent du douteux comportement d'un de ses agents et fermé l'oeil, ne voulant pas briser le pain des enfants de Si Lotfi. Mais ce dernier devait être vraiment un accroc à la came puisqu'il n'a pas tardé à être confondu, ignorant qu'il était étroitement épié. Le comble aussi dans cette triste histoire, c'est que Lotfi avait pris l'habitude de tirer les joints en plein parking de la cour d'Alger sise au Ruisseau, souvent entre les voitures des présidents de chambre et il y en a douze! pour le seul pénal: Donc, pris pour la seconde fois, Lotfi ne doit s'en prendre qu'à lui-même. Et puis, ce pauvre bougre a déjà vécu l'amertume de deux de ses frangins, lourdement condamnés pour...trafic de drogue! Incroyable, mais vrai. Nouiri, la juge du mercredi s'en fiche comme de l'an V pour ce qui est arrivé aux deux frères de l'inculpé du jour. Elle va juger sur dossier. Point à la ligne! Et elle saura excellemment mener le procès jusqu'au bout et proprement... Maître El Hadi Ouyahia, l'avocat était persuadé qu'il n'avait à plaider que les circonstances atténuantes surtout que Lotfi, le premier inculpé parlait d'un accrochage entre lui et Belkacem, pas Zermati, le procureur général, mais de l'autre Boulahia, le chargé de la sécurité et de l'ordre de toute la bâtisse du Ruisseau. N'empêche! Fumer des joints est un délit prévu et puni par l'article 12 de la loi n°04-18 du 25 décembre 2004 relative à la prévention et à la répression de l'usage et du trafic illicites de stupéfiants et de substances psychotropes. Une loi qui finalement n'a rien apporté aux juges depuis 2004. Dédramatisant les faits, tout comme le tribunal et le procureur, Maître Ouyahia a insisté sur la seule consommation de drogue et non de commercialisation: «La preuve, le procureur n'a réclamé que trois mois d'emprisonnement pour usage de came!» avait clamé l'avocat qui avait regretté que ces deux salariés avaient été malmenés durant quatre jours avec des comparutions chez les policiers qui n'ont pas été tendres avec eux. «Que cherchait-il à en faire? Des dealers?», s'était écrié, plus que fâché, le défenseur appuyé de ses confrères qui sont allés eux aussi, dans le sens que Amine et Lotfi n'avaient pas ramené au parking des tonnes de kif, de canabis, d'herbe ou de la cocaïne. «C'est un fléau qui touche plus des trois quarts de nos concitoyens. Fumer n'est pas trafiquer», avait ajouté, plus qu'ému, Maître El Hadi Ouyahia qui a soulevé un émouvant ouh, aïe, aïe! de Maître Zeghdoud qui attendait son tour pour passer défendre un inculpé pour coups et blessures...