La sortie d'Aït Ahmed a eu ceci de déterminant qu'elle a confirmé que les jeux sont loin d'être faits. C'est la première fois que l'Algérie, à moins de 5 mois de la présidentielle, ne sait pas quel sera son futur chef d'Etat. Si, en 95 et 99, le doute n'était guère permis, partant du principe que chacun connaissait le «candidat» du pouvoir plus de six mois à l'avance, cette fois-ci, les scénarios les plus improbables demeurent possibles. Aït Ahmed, qui doit avoir ses sources et ses relais, parle de «difficulté des clans militaro-policiers à s'entendre sur le candidat le plus à même de garantir la pérennité de leur pouvoir...». Le conflit au sommet qui, aux yeux du président du FFS, a quitté le «huis clos traditionnel», met en avant des «déchirements au sein de la coupole (terme exprimant le mieux la typologie du pouvoir réel et de ses pratiques mafieuses)». Le président du FFS, accuse «les généraux (...) d'anticiper pour étouffer dans l'oeuf toute expression autonome de la société, toute véritable opposition démocratique ou initiative politique susceptible de créer les conditions d'une alternance qui remettrait en cause leur mainmise sur l'Algérie». Il apparaît de la sorte clairement que la lettre de Aït-Ahmed a eu ceci de positif qu'elle a mis en avant le flou dans lequel se trouve la classe politique. Ceci, même si elle a éclairé d'un jour nouveau la situation actuelle. «La crise actuelle tient moins de l'opposition entre deux visions différentes de l'exercice du pouvoir que de l'exacerbation d'une vieille crainte des décideurs algériens: celle de voir l'un d'entre eux, n'importe lequel, accaparer tous les leviers du pouvoir». Nul doute que l'allusion concerne ici le président Bouteflika et que ce dernier, si l'on en croit l'analyse de Hocine Aït-Ahmed, a réussi à créer un consensus des décideurs contre sa candidature. C'est du moins sous cet angle qu'il convient d'appréhender cette sortie, pour le moins inattendue. Une sortie qui, en somme, explique la discrète intervention de l'armée, chargée de veiller sur les valeurs républicaines, pour faire cesser les attaques musclées dont a été victime la direction légitime du FLN, et même lui permettre de tenir son congrès extraordinaire qui a servi à officialiser la candidature de Ali Benflis à la magistrature suprême. Un parallèle presque similaire existerait concernant le mouvement Wafa. Ce parti, que Zerhouni a ostensiblement interdit en dépit du bon sens et des lois de la République, active à la lisière de la légalité et en toute transparence depuis environ un mois. Le courroux du ministre de l'Intérieur doit en être immense puisque c'est également lui qui se trouve derrière le complot fomenté contre le président. Toujours est-il que ces deux faits, extrêmement significatifs, montrent que l'institution militaire est loin d'avoir fait un quelconque choix, même si elle persiste à signifier son retrait définitif de la vie politique. Ahmed Taleb Ibrahimi, en homme politique très avisé, a souhaité «la neutralité de l'armée, celle du gouvernement ainsi que la non-utilisation des biens de l'Etat au profit d'un seul candidat (Bouteflika, sans le moindre doute)». Il n'en a pas moins requis un « retrait progressif de l'armée de la scène politique nationale», préconisant pour cela «l'utilisation du mandat présidentiel suivant aux fins d'assurer une sorte de phase de transition visant à remettre le pouvoir définitivement entre les mains des politiques et des élus». L'entrée en scène de Mouloud Hamrouche n'est guère là pour éclaircir les choses. Fort de deux ministres dans l'actuel gouvernement, comme se plaisent à le souligner certains de ses proches, Mouloud Hamrouche préparerait un retour en force dans les rangs du FLN où il compte autant d'amis et de fidèles dans les rangs légalistes que dans ceux dits «redresseurs». Il apparaît ainsi que si les soirées ramadanesques devaient servir à éclaircir les choses, la première semaine de ce «mois du doute» a surtout contribué à compliquer une situation qui l'était déjà bien assez sans cela.