La composante et le programme du nouveau gouvernement détermineront en grande partie l'avenir du Parlement, mais aussi l'issue de la future présidentielle. Les rumeurs allaient bon train sur le successeur de Ali Benflis. C'est Ahmed Ouyahia qui vient de lui succéder. Actuellement ministre d'Etat et représentant personnel du Président de la République, Ouyahia est revenu de loin après la chute vertigineuse de son parti, le RND, aux législatives et aux communales au profit de son frère ennemi, le FLN. Avec seulement 46 sièges, loin derrière le FLN occupant une confortable majorité absolue, le RND avait essuyé un cuisant échec qui avait poussé Ouyahia à démissionner avant de revenir et d'attendre son heure. Celle-ci n'a pas tardé à venir. Désormais, les négociations iront bon train sur la participation du FLN dans la composante humaine du futur gouvernement. Dans tous les cas de figure, disent des sources proches de ce parti jointes hier par téléphone, «le FLN ne pourra pas assumer la lourde responsabilité historique de plonger le pays dans une grave crise institutionnelle en s'opposant frontalement au nouvel Exécutif de Bouteflika». Le but immédiat du FLN, sans doute, sera de négocier la représentation la meilleure au sein de la future composante gouvernementale. Avec ses 200 députés, lui assurant une majorité absolue et confortable au sein de la Chambre basse du Parlement, le FLN peut demander et obtenir un minimum de 50 à 60 % des portefeuilles ministériels à pourvoir. Ce n'est pas tout. Partant du principe que cette future équipe sera celle qui chapeautera le déroulement de l'élection présidentielle, il ne fait pas de doute non plus que le FLN de Benflis exige également quelques postes de souveraineté et, pourquoi pas, celui tant convoité de ministre de l'Intérieur, l'homme clé de tout scrutin. Dans le meilleur des cas, donc, les deux hommes entreraient dans une trêve de quelques mois, le temps que s'annonce le congrès extraordinaire du FLN qui désignera officiellement son candidat, annonçant par là même l'ouverture «officielle» de la précampagne électorale. Mais d'autres scénarios, plus catastrophes ceux-là, ne sont pas non plus à exclure. Benflis, désormais délié de son obligation de réserve, compte revenir sur le sujet de son «limogeage» aujourd'hui même lors d'une conférence de presse qu'il animera au niveau de son nouveau QG, le siège national du FLN en l'occurrence. Le risque est grand de voir la logique du pire l'emporter sur toute autre considération. En clair, le programme de l'équipe de Ahmed Ouyahia risque d'être rejeté par l'APN à majorité FLN dans le cas où ce parti n'obtiendrait pas ce qu'il désire. En cas de deux rejets successifs, comme le prévoit la Constitution, la dissolution de la Chambre basse du Parlement est automatiquement prononcée. Si un pareil scénario venait à se produire, cela n'aurait pas lieu avant trois ou quatre mois. Le FLN y perdrait bien plus qu'il n'a à y gagner. L'actuel parti majoritaire risque en effet de perdre cette position dans des nouveaux calculs destinés à dessiner une nouvelle carte politique plus à même de garantir la présidentielle à la mesure des ambitions de l'actuel chef de l'Etat. Un «deal» avec le FFS peut même être trouvé afin que ce parti rejoigne de nouveau les bancs du Parlement. Ces législatives anticipées, si d'aventure elles venaient à avoir lieu, scelleraient définitivement le début d'une nouvelle crise institutionnelle puisqu'elles ne peuvent se tenir, dans le meilleur des cas, avant la prochaine rentrée sociale. A cette crise, ne l'oublions pas, viendrait s'adjoindre une autre, sociale celle-là, et qu'il serait erroné de chercher à minimiser depuis que l'Ugta a réussi à mobiliser pas moins de quatre millions de travailleurs. Les groupes de travail, qui devaient finaliser leurs projets avant la fin de ce mois afin que la bipartite se tienne dès le début de juin prochain, seront mis automatiquement en panne. La rencontre entre le patron de l'Ugta et le Chef du gouvernement risque d'être renvoyée aux calendes grecques. La Centrale, qui a déjà promis ne plus faire de concessions, ni attendre indéfiniment que ses revendications soient satisfaites, serait-ce en partie, risque fort de monter au créneau dans un avenir plus ou moins proche. Des sources proches de l'Ugta expliquent cette éventualité par deux éléments principaux. Le premier, c'est que c'est avec Benflis que le courant passait le mieux, ce qui fait que son départ risque de porter un sérieux coup au dialogue social. Le second a trait à l'existence de «sérieux» contentieux entre Ouyahia, nouveau Chef de gouvernement, et les dirigeants de la puissante Ugta. La très probable reconduction de Temmar et Khelil dans la future équipe gouvernementale ne sera pas là pour arranger les choses. Dans toutes ces données, il manque les pensées et objectifs des uns et des autres. La balance peut donc penchée en faveur de l'intérêt national. Du moins, faut-il l'espérer...