Le brasier qui brûle en Syrie a atteint son voisin libanais où la situation s'est passablement aggravée lors des trois derniers jours où des combats, de plus en plus violents, opposent les sunnites (partisans de l'opposition syrienne) aux alaouites pro-Assad. Or, le meurtre, hier, d'un dignitaire sunnite hostile au régime de Damas a ravivé les rancoeurs dans un pays encore fragilisé par les guerres civiles - dont la plus meurtrière a duré quinze ans (1975-1990) - faisant courir le risque de rouvrir des plaies que d'aucuns estimaient cicatrisées. Bâti sur le confessionnalisme (garanti par la Constitution de 1943), le Liban est en fait une mosaïque religieuse ingouvernable. Ainsi, la grave situation où s'est embourbée la Syrie depuis 14 mois semble avoir déteint sur le pays du Cèdre. Mais est-ce seulement cela? Cela semble plus compliqué qu'il n'y paraît de prime abord. En fait, une sorte de puzzle se met en place au Moyen-Orient avec ce qui se passe en Syrie - et désormais au Liban - où des combats opposent essentiellement sunnites et alaouites (une fraction du chiisme) d'où est issu le président syrien. Ce postulat se retrouve également en Irak où, depuis l'invasion américaine de mars 2003, sunnites et chiites ne sont pas en bons termes, faisant craindre une partition du pays. Ce postulat est aussi vrai dans le petit royaume du Bahreïn qu'en Arabie Saoudite où islam sunnite et islam chiite s'adonnent à un bras de fer. Le pouvoir pyramidal fondé sur l'appartenance religieuse et/ou ethnique a été mis au point et institué par la France, alors mandataire du territoire libanais, au début du XXe siècle. Or, il semble que ce modèle de gouvernance marqué par la croyance et la race serait appelé à devenir la norme dans un Moyen-Orient promis à l'atomisation. A l'aune des bouleversements (ledit «printemps arabe») que connaît cette région depuis 2011 - induit par les chutes successives des chefs d'Etat tunisien, égyptien, libyen et yéménite - semble revenir à l'ordre du jour la fameuse «initiative» pour un «Grand Moyen-Orient» (GMO) annoncé en 2004 par l'ex-président américain George W.Bush. Or, la paternité de ce projet attribué à M.Bush est en fait un vieux dessein sioniste de déstructuration de la société arabe et d'atomisation des pays arabes en autant d'Emirats que de fractions religieuses ou ethniques. Nous en voyons le contour avec un Irak quasiment divisé en trois entités (un Kurdistan autonome, un pays chiite et un autre sunnite). Ce remodelage du Moyen-Orient inspiré donc par Israël, devait être soumis à l'opinion mondiale, sous l'allégation de «démocratisation» du Monde arabe. Ce que fit le plus officiellement du monde l'ancien président Bush. Cela dans l'optique de «sécuriser» l'Etat hébreu et surtout empêcher l'émergence d'une puissance arabe, capable de remettre en cause la domination sioniste sur la région, outre de garantir aux Américains la mainmise sur le pétrole dont le Moyen-Orient contrôle 60% des gisements prouvés. Pour ce faire, il fallait donc favoriser l'éclatement des pays arabes sur la base confessionnelle. Ce qu'Israël avait tenté de réaliser dès 1982, lors de l'invasion du Liban avec l'aide et la complicité des Maronites. Outre le dépeçage du Liban en Etats confessionnels, il était aussi question de diviser la Syrie en trois Etats (alaouite, druze et sunnite). Le projet Bush reprend ce plan d'atomisation des pays arabes, en l'élargissant au Maghreb et en y incluant une partie de l'Asie orientale (Afghanistan, Iran et Pakistan). Le projet prévoit ainsi l'avènement d'une vingtaine «d'Emirats» fondés sur les ethnies et les confessions. L'Arabie Saoudite, alliée stratégique des Etats-Unis, n'y échappe pas qui serait le plus grand perdant en étant réduite à la portion congrue et se verrait même amputée des Lieux Saints de l'Islam, promus à une sorte de Vatican musulman dans un improbable «Islamic Sacred State». Or, ce qui se passe en Syrie, au Yémen, en Irak et au Liban, favorise, quelque part, les desseins de ceux qui veulent réduire les pays arabes dans cette région stratégique en les soumettant au joug d'Israël. Des monarchies du Golfe participent à ce complot contre le Monde arabe. Hélas!