Les événements cycliques se succèdent à une vitesse vertigineuse au nord du Mali. La rébellion touarègue (Mouvement national de libération de l'Azawad, Mnla) et le mouvement islamiste Ansar Eddine, qui contrôlent le nord du Mali depuis le mois de mars dernier, viennent de rendre publique leur fusion. Dans un protocole d'accord, le mouvement Ansar Eddine et le Mouvement national de libération de l'Azawad qui proclame son auto-dissolution, annoncent la création d'un Conseil transitoire de l'Etat islamique de l'Azawad, tout en soulignant «Nous sommes tous pour l'indépendance de l'Azawad. Nous acceptons tous l'islam comme religion, le Coran et la Sunna sont la source du droit». La nouvelle reçue comme un feu dans l'air par les habitants du nord du Mali recoupe des informations quant à l'éventuel ralliement du mouvement islamiste d'Ansar Eddine à Al Qaîda au Maghreb islamique, dont les chefs sont en réunion depuis jeudi à Tombouctou. Ces rassemblements de groupes subversifs pourraient induire des conséquences fâcheuses pour les pays de la région, notamment sur l'Algérie engagée dans la lutte contre le terrorisme qu'elle mène pratiquement seule. Toutefois, forte d'une expérience indéniable dans ce domaine, l'Algérie est assurément un élément-clé dans la lutte antiterroriste. Cette position de leadership que lui ont imposée les circonstances, gagnée au prix de grands sacrifices en l'absence d'un engagement sérieux de ses voisins, fait de l'Algérie l'interlocuteur incontournable pour toute solution au fléau du terrorisme dans cette région stratégique du continent africain. De ce point de vue, les responsables algériens de la lutte antiterroriste ont eu le courage, non pas de remettre en cause l'ensemble de la stratégie sécuritaire, mais de chercher continuellement à approfondir le succès militaire par une approche plus large, non sans avoir sollicité les pays du Sahel à s'y impliquer. En quête de solutions exceptionnelles, l'Algérie chargée de mener la lutte antiterroriste sur le terrain, verrait d'un bon oeil l'implication des politiques et de la société civile dans un combat multidimensionnel où les aspects idéologiques et culturels sont dominants. Si sur le plan local, le processus de la Charte pour la paix et la réconciliation nationale a amplement contribué à ramener une paix relative en réduisant la menace terroriste, il n'en demeure pas moins que le contexte régional marqué par les crises libyenne et malienne impose à l'Algérie des efforts supplémentaires afin de préserver cet acquis arraché dans la douleur. Si la menace n'est plus aussi importante que durant les années 1990 à l'intérieur du pays, elle le demeure à ses frontières. L'Algérie à tout intérêt à prémunir sa sécurité et ce en s'adaptant aux nouvelles donnes sécuritaires qui dominent au niveau de sa périphérie. Les réseaux terroristes tirant profit du conflit en Libye qui peine à retrouver sa stabilité, tentent d'exploiter à leur avantage la crise malienne survenue au lendemain du coup d'Etat du 22 mars opéré par des putschistes militaires contre le président Amadou Toumani Touré. Leurs actions conjuguées au grand banditisme et à tous genres de trafics, ces réseaux affiliés à la nébuleuse Al Qaîda au Maghreb prétendent instaurer un Etat islamique dans le nord du Mali. La rencontre entre deux chefs terroristes, d'Al Qaîda au Maghreb islamique et d'Ansar Eddine, renseigne à plus d'un titre sur une situation préoccupante aux lourdes conséquences depuis la proclamation de l'indépendance du nord du Mali par le mouvement de l'Azawad. Avant même cette rencontre tenue à Tombouctou, où les deux groupes terroristes devaient discuter de leurs relations, des experts américains avaient identifié la voix du présumé émir d'Al Qaîda au Maghreb diffusée sur un site islamiste, Abdel Malek Droukdel appelant ses acolytes à coopérer avec Ansar Eddine et à leur céder les prérogatives. Mais bien avant cette identification, les services de sécurité algériens avaient mis à nu des messages échangés entre Droukdel et le chef d'Ansar Eddine via Internet. Le contenu des messages n'a pas été dévoilé pour des raisons de sécurité, cependant, il est clair que les deux organisations coordonnent leurs opérations. C'est ce que confirme le porte-parole d'Ansar Eddine, Sanda Ould Boumama qui soutient que la rencontre a eu lieu dans le camp militaire de Tombouctou. Et selon les recoupements qui ont pu être faits, Nabil Makloufi qui semble correspondre à l'émir du Sud connu sous le pseudonyme d' «Aâklama», coordinateur également des différentes phalanges d'Al Qaîda au Sud et au Sahel, Abou Zeïd chef d'une katiba, qui séjourne régulièrement en Libye et Mokhtar Benmokhtar, auraient pris part à la rencontre de Tombouctou. Du côté d'Ansar Eddine, le leader du mouvement, Iyad Ag Ghaly, est le chef d'une délégation malienne. En position dominante désormais, les deux organisations islamistes visent à unifier leurs rangs et à instaurer un Etat islamique. L'Algérie avait bien prévenu de la probabilité de cette connexion avant les Américains. Aussi, l'impact sur l'Algérie de l'évolution de la situation à ses frontières est à prendre avec beaucoup de sérieux. Même si elle est considérée comme le leader de la lutte antiterroriste dans la région par son poids et une armée bien entraînée et équipée, l'Algérie est appelée à s'affirmer de la manière la plus déterminée pour l'élimination de tout danger terroriste à ses frontières Sud. Elle est contrainte de composer avec la nouvelle situation ainsi induite et d'affronter de nouveau les affres du terrorisme dans la mesure où elle a été directement concernée avec l'enlèvement de ses six diplomates à Gao, par les rebelles touareg dont la complicité avec les réseaux terroristes n'est plus à démontrer. La persistance négative de la situation au Sahel, ne peut pas être considérée comme une source d'inquiétude pour l'Algérie, mais une menace réelle qui interpelle les pays de la région et la communauté internationale, afin de conjuguer leurs efforts pour sécuriser le Sahel et en éliminer tous les éléments nocifs qui y ont pris racine.