«Le Vatican? Combien de divisions?» Staline «ô saisons, ô châteaux! Quelle âme est sans défauts!» Rimbaud Avant, tous les scandales, petits ou grands, n'étaient connus que des seuls initiés, mais au siècle de la communication, tout modeste Borgia est exposé à la lumière crue des médias. Les images people de la presse écrite ou audiovisuelle nous ont habitués à ces manifestations pleines de candeur et d'innocence où des grands-pères bedonnants vêtus de pourpre cardinalice s'ébattent joyeusement au soleil sur les cours pavées (de bons sentiments) du Vatican, échangeant des propos amènes avec des sourires de félicité... Tout semble glisser comme sur du velours. Pourtant, ces dernières années, des scandales ont ébranlé le Saint-Siège et rappellent au plus commun des croyants que ceux qui se proclament représentants de Dieu sur Terre ou continuateurs d'un prophète, ne sont, avant tout, que des hommes, de simples mortels en proie aux mêmes tentations et aux mêmes déchirements que ceux qui accablent toute cette partie de l'humanité qui se laisse prendre au jeu du pouvoir. Car, l'arrestation du majordome du pape, les touristes venus quêter une bénédiction place Saint-Pierre n'ont point été étonnés de l'affaire: l'atmosphère de fin de règne qui plane au Vatican laissait prévoir tous les coups tordus que peuvent se donner ceux qui s'habillent de probité candide. Il ne faut pas se laisser prendre par les cris de joie qui animent la foule en voyant la fumée blanche s'échapper de la cheminée du Saint-Siège: «Habemus papam!»: il a fallu une guerre souterraine pour arriver à ce résultat qui remplit de félicité les âmes candides. Car, comme toutes les cours du monde, il y a une lutte sans merci pour la succession prochaine. Et les clans qui composent la Curie romaine s'en donnent à coeur joie. Si Paris vaut bien une messe, le trône papal vaut bien un petit scandale, le Vatican étant une pièce non négligeable dans les conflits qui agitent le monde. Sans remonter aux Croisades où les services de la papauté ont joué un grand rôle dans la reconquête du terrain perdu après l'avènement de l'Islam, il faut reconnaître le rôle prépondérant de l'Eglise, qu'elle soit romaine, catholique ou orthodoxe dans l'équilibre des pouvoirs dans le monde. L'épisode de Canossa nous rappelle la toute-puissance du pouvoir papal sur les princes européens. Et qui dit pouvoir dit argent. Il faut se rappeler qu'à l'époque des florissantes cités commerçantes italiennes, le pape s'était érigé en garant de la valeur des monnaies de beaucoup d'Etats européens et que des conflits d'autorité opposaient souvent certains rois au pape: les longues et multiples guerres d'Italie masquent souvent la rivalité féodale de la France et de la papauté. La papauté dut faire face à des contestations internes ayant pour toile de fond une interprétation doctrinale. L'épisode de Savonarole est éloquent sur la toute-puissance du pape. C'était une période où le représentant du Saint-Siège était perçu comme un chef politique. La reconquista espagnole laisse une image noire des pratiques de l'Eglise et sur les méthodes barbares de l'Inquisition... Le Vatican eut un rôle moteur dans les guerres coloniales et le trafic d'esclaves qui s'ensuivit: la controverse de Valladolid est un exemple des errements de l'Eglise... Plus près de nous je soupçonne la nomination du Polonais Karol Woytila à la tête du Vatican comme une injonction de l'Otan, pour hâter la désagrégation du bloc de l'Est. La sombre affaire de la Banque Ambrosiano marque les liens étroits entre les éminences grises, l'argent et l'impérialisme occidental... La mort de deux gardes suisses et de l'épouse de l'un d'eux, en 1998, montre une autre facette des rapports humains au sein du Saint-Siège. Enfin, la sortie de Benoît XVI reprenant à son compte les propos de Manuel II Paléologue, illustre la concordance de temps entre le Saint-Siège et les apôtres de la guerre des civilisations du Pentagone.