«Un pays sans usines est un pays en ruine.» Muhammad Al-Aïd Khalifa L'un des reproches que l'on peut faire aux gouvernements qui se sont succédé depuis la mort de Boumediene, c'est bien de ne pas avoir une quelconque ambition industrielle. Les conditions exceptionnelles qui ont prévalu durant les trois décennies suivantes, découlant soit de la volonté des lobbys actifs dans le pays soit des circonstances tragiques qui ont endeuillé la Nation (les deux peuvent être intimement liés) ont fait que le maigre tissu industriel hérité du fameux Plan de Constantine, revu et corrigé par les services de Belaïd Abdeslam, s'est délité petit à petit, au fil des restructurations, des sabotages, des sabordages, des naufrages et des bradages. On peut citer comme exemple la disparition de l'industrie textile qui fut la première réalisation industrielle mise sur pied avec l'aide du Big Brother Nasser. Ne parlons pas des usines de montage de tracteurs, de vélos et mobylettes, des boulonneries, coutelleries et vannes qui eurent des difficultés à écouler leurs produits. Ne pas oublier la modeste usine de montage de véhicules Renault d'El-Harrach. Tout avait fondu comme beurre au soleil sans que l'on puisse imputer cette fonte au changement climatique. C'est le changement de régime seulement qui en est la cause: l'activité débordante du lobby des importateurs qui trouve plus facile de transformer la rente pétrolière en produits d'importations bas de gamme ou en réalisation d'infrastructures non productives a détruit irrémédiablement les velléités de création et de production qui existaient au temps du socialisme spécifique. L'industrie agroalimentaire est peut-être la seule performante bien qu'elle soit obligée d'importer toutes les matières premières qu'elle emploie. Même l'emballage plastique est «made in». C'est dire le degré 0 d'intégration d'un pays qui produit du pétrole et qui est obligé d'importer du fuel ou des huiles de moteur... On ne comptera pas les années de va-et-vient entre Alger et Turin, du dossier de la fameuse Fatia qui est morte avant même sa conception, ni on ne cherchera à faire connaître les profondes raisons de cet échec. Le fameux site sis dans la wilaya de Tiaret sera ensuite repris par l'ANP qui se dote ainsi d'une usine de production de véhicules tout-terrain. Un établissement de développement de l'industrie du véhicule a été créé par décret présidentiel publié au Journal officiel (JO) du 29 juin 2009. Rattaché au ministère de la Défense nationale (MDN), cet établissement est chargé «d'assurer la conception, les études, le développement, la production et la commercialisation de véhicules tout-terrain», selon le texte. Le futur établissement dénommé Epic Ediv est basé à Aïn Bouchekif, près de Tiaret, sur le site de la défunte usine Fatia, le projet algéro-italien de construction d'une voiture Fiat en Algérie. Elle bénéficie en effet des biens qui appartenaient à l'ex-projet «Fatia», à Aïn Bouchekif, dans la wilaya de Tiaret, transférés au ministère de la Défense nationale, a précisé le décret. Le ministère de la Défense, qui dépend des importations pour ses approvisionnements en véhicules tout-terrain, veut ainsi réduire la facture d'importation et sa dépendance de l'étranger en matière de matériels destinés au transport des troupes terrestres. Une opération analogue va être menée dans le domaine électronique: après l'échec des négociations pour un partenariat technologique avec la firme LG, fin 2007, l'Entreprise nationale des industries électroniques (ENIE) devra, désormais, mettre tout son savoir-faire au service du ministère de la Défense nationale. Un établissement public à caractère industriel et commercial relevant du secteur économique de l'Armée nationale populaire (ANP) a été créé par décret présidentiel (n°09-223 du 29 juin 2009). L'établissement de la plate-forme de systèmes électroniques de Sidi Bel Abbès assurera la conception, les études, le développement, l'importation, l'exportation, la fabrication et la commercialisation de matériels électroniques, ensembles, sous-ensembles et composants électroniques. L'esprit de la lointaine DNC/ANP semble ressuscité! L'annonce d'un accord préalable entre l'Algérie et Renault qui avait rechigné du temps de Sarkozy sur le site de Bellara, est à mettre, selon certains observateurs sur l'élection de François Hollande qui veut ainsi effacer les erreurs de son prédécesseur. Espérons toutefois que la prochaine usine de montage ne connaîtra pas les tribulations que connaît actuellement ArcelorMittal...