[Lounès Kheloui, fils de la région d'Ihesnawen, tout comme Cheikh El Hasnaoui]Lounès Kheloui, fils de la région d'Ihesnawen, tout comme Cheikh El Hasnaoui Quarante ans de carrière et des dizaines de chansons ayant marqué plusieurs générations. C'est un grand artiste, mais sa discrétion et sa modestie ont fait qu'il passe toujours inaperçu. Son nom scintille dans le ciel de la chanson kabyle. Il s'agit de Cheikh Lounès Kheloui. Quarante ans de carrière et des dizaines de chansons ayant marqué plusieurs générations. Lounès Kheloui, fils de la région d'Ihesnawen, tout comme Cheikh El Hasnaoui, était l'invité de Slimane Belharet la semaine dernière, dans le cadre des rencontres intitulées «Parole aux artistes», qu'abrite la ville de Tizi Ouzou. «C'est la première fois que je rencontre mon public en direct», confie Lounès Kheloui, ému et ce, quelques minutes avant le coup d'envoi de la rencontre à laquelle ont assisté plusieurs autres chanteurs dont Belkheir Mohand Akli. Lounès Kheloui a chanté également à l'occasion de cette rencontre faisant montre d'une maîtrise rare quand il manie son mandole, mais aussi, il y a sa voix rauque. Une voix qui ne peut passer inaperçue, car rares sont les chanteurs kabyles dont la voix est aussi exceptionnelle. «J'ai décidé à trois reprises d'arrêter de chanter mais à chaque fois je change d'avis. J'ai même une fois vendu mon mandole», confie, d'emblée Lounès Kheloui auquel l'usage du titre de respect de cheikh déplait. Modestie quand tu nous tiens. Pourtant, le titre de Cheikh, Lounès Kheloui le mérite amplement. Lui qui chante depuis quarante ans et qui n'est passé à la Télévision algérienne pour la première fois il y a quelques semaines, dans l'émission «Ahalil». C'est dire que dans notre pays, on n'a pas vraiment besoin de la télévision pour briller, quand bien même cette même télévision peut fabriquer pour un laps de temps des pseudo-artistes. «Tout le monde sait comment on peut être programmé à la Télévision algérienne, ce n'est pas la peine de s'étaler là-dessus», répond Lounès Kheloui lorsque l'animateur Slimane Belharet s'étonne qu'un grand chanteur comme lui ne soit jamais passé à la télévision. Lounès Kheloui a rappelé, toutefois, que sa chanson sur la JSK est passée à la télé en 1990 quand ce même club avait reçu la Coupe d'Afrique. Mais c'était en voix off. Lui, il n' y était pas. Et puis, son passage a déplu à plusieurs responsables zélés de la télévision à l'époque. La troisième et la dernière fois, Lounès Kheloui accompagnait Hamad Chabane, ancien directeur de l'Eniem à l'Entv. Et là aussi, on le programme. Mais juste pour une chanson et non sans problèmes. La parenthèse de l'Entv fermée, la plaie de l'exclusion des grands artistes kabyles par ce même média reste tout de même ouverte. Verra-t-on un jour sur ce petit écran monopolisé Salah Sadaoui, Slimane Azem, El Hasnaoui, Matoub Lounès, Youcef Abdjaoui et tant d'autres vrais artistes dont la dignité ne se marchande pas en contrepartie d'une programmation furtive. On se demande d'ailleurs qui a besoin de l'autre, ces artistes ou cette télévision? Lounès Kheloui s'est donc construit tout seul. Il ne fait pas dans la facilité. Il ne change pas de style pour plaire à un éditeur quand bien même il lui faudrait se démener, afin de trouver l'argent nécessaire pour effectuer un enregistrement. Depuis cinq ans, il n'a pas produit de nouveauté, rappelle-t-il. Ses fans, présents dans la salle, le lui rappellent aussi. «Que voulez-vous, avec le phénomène du piratage, les éditeurs sont devenus très réticents». Et quand Lounès Kheloui se met à interpréter des chansons comme Tskhilem ihnine, Adruhegh et les autres, Slimane Belharet reste pantois qu'aucun éditeur ne veuille prendre en main ces chefs-d'oeuvre. Lounès Kheloui, qui est artiste dans l'âme et kabyle dans le sang, ne semble pas se préoccuper outre mesure de cet aspect des choses. Lui, il chante, c'est tout. Ce qui lui fait mal, en revanche, c'est qu'en France, il est invité à plusieurs festivals et dans son propre pays, il est ignoré. En effet, Lounès Kheloui a déjà représenté l'Algérie au Festival Musiques du Monde. En Algérie, pour chanter sur scène, il peine. Mais quand un artiste choisit la voix de la liberté, le prix à payer est fort. Lounès Kheloui a, certes, un public, mais pour le retrouver, ce dernier étant essaimé à travers les quatre coins de la Kabylie, ce n'est pas facile. Il y a ce jeune qui se lève du fond de la salle. Il est venu spécialement de Béjaïa pour voir Lounès Kheloui en chair et en os. La présence de ce jeune et de tant d'autres de la même génération à cette rencontre est un démenti formel que la nouvelle génération de Kabyles ne sait pas apprécier le véritable art. Des jeunes filles aussi, la vingtaine, n'arrêtaient pas de fredonner les chansons de Lounès Kheloui, quand ce dernier s'est mis à chanter. Des anecdotes, Kheloui en a raconté plusieurs. Sa rencontre avec El Hasnaoui, la première tournée de Matoub Lounès en Kabylie, le conseil de Brahim Izri qui lui a dit un jour: «Toi, tu dois chanter seulement pour les artistes.» Pour la première fois, Lounès Kheloui a parlé. Il n'a certes pas été prolixe, mais chaque mot et chaque phrase prononcés par cet artiste humble et affable, véhiculent plus d'un message. Lounès Kheloui a parlé la semaine dernière et chantera ce mardi à 14 heures à la grande salle de spectacles de la Maison de la culture Mouloud-Mammeri de Tizi Ouzou. Un gala est programmé et cette fois-ci, il n'y aura pas de place ni aux questions ni aux réponses, car la voix de Lounès Kheloui retentira pour chanter l'amour, la vie, la mort, la vie après la mort et la mort avant la vie.