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Abdelkader Allal, ça vous dit quelque chose?
KAMEL BOUCHAMA LUI CONSACRE SON DERNIER LIVRE
Publié dans L'Expression le 19 - 06 - 2012

Abdelkader Allal a occupé plusieurs postes importants
Une question à poser, en toute simplicité, lorsqu'on connaît l'ambiance dans laquelle nous avons longtemps baigné depuis le recouvrement de notre souveraineté nationale.
Ainsi, vous comprenez que nous devons la poser car elle est d'autant plus essentielle, voire capitale, quand des années sont passées et que nos jeunes - parce que non instruits par une école aux programmes obsolètes - n'arrivent pas encore à circonscrire, ni à les apprécier, tous ces efforts consentis pour réussir notre révolution et les hommes qui l'ont dirigée, dans un mouvement populaire où se conjuguaient la bravoure, le sacrifice et la confiance en l'avenir du pays.
C'est l'occasion, en effet, en ce 50e anniversaire, pour leur dire ce qu'étaient ces valeureux militants, dans leur lutte pour la liberté, et dans leur combat au quotidien pour l'essor et le développement, enfin pour l'émancipation de l'Algérie. Pour cela, Kamel Bouchama, auteur prolifique - inutile de le répéter - s'attaque à ce devoir de mémoire pour nous raconter un Homme, un autre aussi valeureux, après ceux qu'il a déjà présentés sous leurs véritables visages, en insistant sur leurs valeurs intrinsèques pour qu'ils servent d'exemple en ces moments difficiles où nous avons quelque peu cédé par rapport à nos conduites d'antan. Là, dans «Abdelkader Allal, le tribut de la dignité», il fait le portrait du médersien-syndicaliste, dont la vie a été une suite d'apports constants, à travers une participation intense, effective et concrète à la vie politique, économique, diplomatique, sociale et culturelle du pays. D'emblée, il le situe, depuis ses origines: «Le jeune Abdelkader tirera de ses ancêtres tous les enseignements et les bonnes recettes de militantisme pour aller, en son temps, un siècle plus tard, à l'encontre de ce même colonisateur qui redoublait d'oppression et de férocité contre notre peuple.» C'est très important de rapporter tout cela pour affirmer que sa culture était celle de ses ancêtres les Ben Allal, ces combattants de la liberté, dont Mohamed Ben Allal, neveu du chef spirituel El Hadj Mahieddine Es-Seghir Ben Allal Ould Sid Ali M'barek, a été le Khalifa de l'Emir Abdelkader. Comment donc cet enfant que Kamel Bouchama évoque dans cet ouvrage, n'allait-il pas, une fois adulte, célébrer ses ancêtres quand l'Histoire, la vraie, lui livrait leurs exploits? Ainsi, nous savons qu'il venait d'une bonne école, ce Abdelkader Allal, pour s'inscrire à une autre, plutôt à un sanctuaire de culture, la «Médersa Etha'âlibia», qui allait lui enseigner en plus des mathématiques et les autres sciences, la langue arabe, très riche de par ses belles-lettres, sa grammaire, sa poésie, sa prose, sa rhétorique, ses métaphores, en même temps que le militantisme, car étant ce «foyer de l'unité nationale», et se situant dans cette mythique Casbah qui abritait de grands nationalistes. En effet, cet enseignement spécifique et ce quartier de Sidi Abderrahmane, aux alentours de la basse Casbah, où se cristallisaient plusieurs mouvements politiques et de jeunesse, lui donnaient autant d'inspiration que de courage pour aller, à cet âge-là, 17 ans à peine, s'impliquer dans des relations militantes avec les organisations nationalistes de l'époque. Il adhère au mouvement des SMA, ensuite fréquente les partis politiques en place, comme plusieurs élèves de la Médersa qui ont eu à connaître de hautes responsabilités dans le cadre de ces mouvements et, plus tard, au sein de la lutte pour l'indépendance.
Un engagement sans faille
Certes, plus tard, de 1951 à 1955, Abdelkader Allal s'engage dans l'organisation estudiantine, «l'Association des étudiants musulmans de l'Afrique du Nord», pour adhérer, dès sa création, à l'Ugema, «l'Union générale des étudiants musulmans algériens», alors qu'il venait à peine de terminer sa licence d'histoire-géographie à l'Université d'Alger. Cette activité politique ne lui a pas suffi. Il fallait faire mieux, aller plus loin dans l'organisation de cette jeunesse, de ces militants. Alors, il activait considérablement dans le Mouvement national aux côtés de grands résistants. Et, tout en étant maître d'internat au lycée de Ben Aknoun, après celui de Constantine, en même temps que professeur de lycée, pendant une courte durée, il rejoint les structures responsables du FLN et se consacre entièrement à la tâche, ô combien passionnante, de mobilisation, de sensibilisation et surtout de recrutement de meilleures potentialités qui seront désignées dans les missions déterminantes que leur définira la révolution.
Il adhère au mouvement syndical et là, l'auteur écrit: «Il sera aux premières loges, dans le coeur d'Alger, tout près de la place du gouvernement - aujourd'hui place des Martyrs - dans un local qui faisait office de siège de l'Ugta. C'est là où le 24 février 1956 fut créée l'organisation, à la tête de laquelle les syndicalistes choisirent Aïssat Idir... Le désormais professeur Abdelkader Allal et non moins militant du FLN, des SMA, de l'Ugema, est officiellement membre de la direction de l'Ugta qu'il a vu naître, pardon, à laquelle il a participé activement à sa création avec de nombreux frères venant pour certains d'anciennes formations syndicales, tolérées par les colonialistes, avec beaucoup de réserves.»
Abdelkader Allal était donc dans les premières lignes de cette organisation syndicale, depuis sa création. Il fera également partie des 2e, 3e et 4e Secrétariats nationaux, juste avant de rejoindre l'ALN dans la région de «Beni Misra», en wilaya IV. Ali Yahia Abdenour - repris par l'auteur - témoigne «qu'il était au regard de toutes les équipes passées dans cette direction syndicale, le seul qui manifestait une tendance au sacrifice sans limite, au désintéressement sincère et à l'abnégation permanente». Il était là, ajoutait-il, quand la bombe fut mise, le 30 juin 1956, dans le local qui abritait la Centrale de l'Ugta, par les «ultras» français, c'est-à-dire par la sinistre organisation de la «Main rouge» et qui visait à décimer l'organisation et à donner un coup d'arrêt à la préparation de la grève du 5 juillet.
Mais pourquoi n'étions-nous pas au courant, jusqu'à maintenant, de cette activité de Abdelkader Allal au sein de l'Ugta? Tout simplement, parce qu'il passait pour un homme très discret..., qui pensait, à juste titre d'ailleurs, que ce qu'il donnait pour le pays n'était qu'un devoir et qu'il ne fallait pas s'attacher à certaines charges de «chefferie»... Ainsi, au syndicat, encore une fois - il faut le rappeler à ceux qui ne le connaissaient que peu ou pas du tout -, il privilégiait le travail plutôt que la «course à la responsabilité». Sa disponibilité, à tout moment faisait de lui le «maître des lieux» dans ce Secrétariat national de l'Ugta, à la place Lavigerie. Feu Boualem Bourouiba, un ancien dirigeant de l'Ugta, que l'auteur cite abondamment dans son ouvrage, témoignait: «Abdelkader Allal, comme plus tard Noureddine Skander, pour ne citer qu'eux, passaient souvent la nuit au siège de l'Ugta, dans des conditions que bien des ouvriers n'auraient peut-être pas acceptées. Engagés corps et âme dans l'action, l'aspect matériel ne pouvait occuper à leurs yeux une place digne de ce nom. L'esprit d'initiative et d'à-propos ne faisait jamais défaut à nos camarades.» Abdelkader Allal était aux côtés des Aïssat Idir, Embarek Djilani, Ahmed Ghermoul, Rabah Djermane, Rahmoun Dekkar, Tahar Gaïd, Mohamed Drareni, Abdelhamid Charikhi, Abdelkader Maâchou, Boualem Bourouiba, Ali Yahia Abdenour, Mustapha Zitouni, Mohamed Flissi, Noureddine Skander, Messaoudi Zitouni et autres syndicalistes. Comment donc, ne connaissait-il pas le poids et la dangerosité des menaces qui pesaient sur lui?
C'est pour cela qu'il prit la décision courageuse, en cette fin d'année 1956, de rejoindre le maquis et ses milliers de combattants. Il l'a prise d'une manière très réfléchie, au moment où ses camarades optaient pour le départ en Tunisie. Plus tard, Embarek Djilani témoignait que Abdelkader Allal a refusé la proposition d'aller continuer sa mission ailleurs qu'en Algérie. «Le maquis au milieu de mes frères, les combattants de la liberté, est le meilleur endroit où je peux militer d'une manière concrète», disait-il à ceux qui lui proposaient d'autres solutions pour se faire oublier.
Soumis à la «question»
Quatre mois plus tard, il est capturé au cours d'une opération militaire, dans le massif blidéen pendant qu'il rejoignait les monts de Médéa. Il sera interné à Serkadji après avoir goûté aux affres de la «question» dans les caves à vin de Blida, ensuite dans les locaux de la DST (Direction de la sûreté du territoire), où il aura à connaître de très mauvais moments, en étant confronté aux «belles techniques coloniales». Il sera jugé par le tribunal des forces armées françaises en janvier 1959, dans ce procès dit de Aïssat Idir, aux côtés d'autres militants dont Amar et Fatima Ouzegane, Charikhi Abdelhamid... Il sera condamné à 3 ans de prison, mais sera trimballé, une fois sa peine purgée, à travers plusieurs camps de concentration jusqu'à l'Indépendance. De par son adhésion totale à la révolution, Abdelkader Allal avait appris à vivre dans cette symbiose avec les exigences d'une contribution sincère, indéfectible et ainsi, après l'Indépendance, il va assurer la continuité de cette révolution pour laquelle il s'est donné corps et âme... Il aura beaucoup de responsabilités dans les domaines économique, politique, diplomatique, social et culturel. C'était son tempérament, ce Abdelkader Allal qui «n'arrivait pas à rester tranquille, un seul instant», comme le qualifiait l'auteur. De Chargé de mission au Rocher Noir (Boumerdès) à premier Directeur général, désigné par la Zone autonome d'Alger (ZAA), pour gérer le CHU de Mustapha Pacha, en même temps qu'il est chargé de superviser l'ensemble des établissements hospitaliers existants dans le Grand-Alger. Une mission déterminante et ainsi, de juillet 1962 à mars 1967, cinq années durant, il sut relever le secteur, en lui donnant ce qu'il attendait.
Après un bref passage au cabinet du ministre de la Santé publique, le docteur Tedjini Haddam, il se dirige en 1968, vers la Compagnie nationale algérienne de navigation (Cnan), pour être affecté à la représentation de Marseille en tant que Secrétaire général. Il reste trois ans à ce poste et rentre à Alger en 1971 pour prendre le Secrétariat général de toute la Société. De là, il sera élu au poste de Président du Conseil d'administration de la Compagnie béninoise de navigation maritime (Cobenam), en même temps qu'il sera, de 1983 à 1992, Secrétaire général de la Fédération arabe des transports maritimes à Baghdad.Abdelkader Allal, député. Oui, à la législature de 1977-1982 où il sera un parlementaire un peu particulier, une «tête brûlée» peut-être, un électron libre, certainement..., qui était là, présent par sa position de moudjahid et qui allait suppléer la déficience de tous les autres qui ont préféré se taire ou, plus exactement, qui n'ont pas eu cette hardiesse pour exprimer leurs opinions. Un de ses collègues de l'APN disait «qu'il était entier, qu'il se caractérisait par un esprit équilibré qui le faisait rationnel et pondéré dans toutes ses interventions pour les sujets importants qui se présentaient aux débats. De plus, il était avenant, disponible, éduqué, raffiné, solidaire avec tous ses collègues députés et l'ensemble des gens qui espéraient son aide et son assistance». L'ouvrage de Kamel Bouchama, qui foisonne d'informations, analyse plus en détail cette période où le député Abdelkader Allal devait présenter beaucoup de dossiers jugés «tabous» et qui ont gêné plus d'un dans la Direction politique d'alors.
Enfin, Abdelkader Allal ne terminera pas sa vie sans revenir à ses premiers amours, la «Médersa Eth-Thaâlibia» car, avec toutes ces charges qu'il a connues, l'on comprendra qu'il était passionné d'organisation et de participation effective là où s'exerçaient les vertus citoyennes. Et Kamel Bouchama, lui-même ancien «médersien», lui réserve une bonne partie dans son ouvrage, «Abdelkader Allal, le tribut de la dignité», que nous présentons pour une bonne appréciation de nos fidèles lecteurs.
«Abdelkader Allal, le tribut de la dignité», Editions Juba, 230 pages.


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