L'UGTA est en deuil. Et pour cause ! Elle vient de perdre l'un de ses fondateurs en la personne de Boualem Bourouiba. Lequel a tiré sa révérence samedi dernier en son domicile. Il s'en est allé à quelques jours à peine de son 88e anniversaire et du 55e de la commémoration de la création de l'UGTA. Boualem Bourouiba est, né le 24 février 1923 à El Kseur dans la wilaya de Béjaïa. Militant du Parti du peuple algérien, Bourouiba a fait ses premiers pas de syndicaliste dans les chemins de fer. Il était, comme les autres travailleurs et saisonniers, syndiqué dans la Confédération du travail, dominée par le Parti communiste algérien à l'époque. Et c'est dans le feu de la guerre de libération que l'idée de la création d'une organisation syndicale indépendante de celles existantes, et proprement algérienne, a germé. C'est ainsi qu'après plusieurs démarches auprès des responsables du FLN d'alors Bourouiba, Aïssat Idir, Kaïdi et bien d'autres ont obtenu le feu vert pour la naissance de l'organisation syndicale. Et c'est donc dans un local prêté par Ferhat Abbas du MTLD que naîtra en fait, le 18 février 1956, l'Union générale des travailleurs. Dans l'un des entretiens accordés à des confrères, le défunt avait expliqué que le 24 février avait été retenu parce que c'était le jour où l'organisation avait obtenu son agrément. Il a tenu également à préciser que ce n'est pas sur ordre de Abane Ramdane que fut créée l'organisation. «La preuve en est que, dans le document qui a sanctionné le Congrès de la Soummam, il n'est nulle part fait allusion à l'UGTA. Nous avons décidé de mettre en place ce cadre syndical, justement pour venir en aide au FLN dans la lutte de libération nationale.» Boualem Bourouiba, même s'il n'était plus responsable de la Centrale syndicale, ne s'en était pas détaché. Mieux, il n'avait pas sa langue dans sa poche, comme on dit. Il n'hésitait jamais à s'exprimer sur telle ou telle position de l'UGTA ou sur des comportements des responsables syndicaux. Il a été signataire avec beaucoup d'autres syndicalistes du Manifeste pour les libertés démocratiques. Manifeste dans lequel plusieurs revendications sont mises en exergue, telles que «la levée de l'état d'urgence comme condition première pour jouir pleinement des droits de l'Homme et des libertés publiques garanties par la Constitution et les conventions internationales ratifiées par l'Algérie, l'ouverture des espaces politique, syndical, associatif et médiatique nécessaires à la promotion et au respect du pluralisme, indispensable à la vitalité du pays et à son développement, la défense des droits sociaux dont l'accès au travail, à la protection sociale, au logement, à l'éducation et à la santé sont le minimum vital d'une société solidaire, la construction de l'Etat de droit, condition sine qua non à l'indépendance de la justice et à l'égalité de tous devant la loi, la séparation des pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire comme fondement essentiel de l'équilibre des pouvoirs, la séparation des champs politique et religieux pour garantir l'autonomie individuelle, socle de la modernité politique, le respect des droits de l'Homme dans leur intégralité et l'égalité des droits, indispensables à l'épanouissement de la dignité humaine et à l'exercice de la citoyenneté pleine et entière, la légitimité du suffrage universel, expression de la souveraineté populaire sur la base de la garantie des droits fondamentaux et de l'alternance au pouvoir», etc. Boualem Bourouiba est l'auteur de les Syndicalistes algériens : leur combat de l'éveil à la libération, édité en 1998 aux éditions L'Harmattan et préfacé par le défunt Mustapha Lacheraf, son compagnon de combat. Livre dans lequel il retrace l'épopée des prolétaires algériens et de l'organisation syndicale née dans le feu de l'action. M. Bourouiba a été inhumé hier au cimetière de Sidi Yahia. F. A.