L'Egypte va connaître vendredi une nouvelle journée de manifestations place Tahrir au Caire, à l'appel notamment des Frères musulmans qui ont menacé le pouvoir militaire d'une «confrontation». A l'appel de la confrérie, des milliers de personnes ont déjà manifesté mardi sur cette place emblématique, où certains militants se sont installés sous des tentes en promettant de ne pas bouger tant que M.Morsi ne serait pas reconnu vainqueur. M.Morsi et son rival Ahmed Chafiq, ancien Premier ministre de Hosni Moubarak, ont tous les deux revendiqué la victoire au second tour de samedi et dimanche. Le Conseil suprême des forces armées (CSFA), au pouvoir depuis la chute de M.Moubarak, a critiqué ces annonces hier dans un communiqué, estimant qu'elles avaient causé des tensions. Tout en assurant respecter le droit de manifester pacifiquement, le CSFA a appelé toutes les «parties à éviter toute action qui mettrait en danger la sécurité du pays» et affirmé qu'il agirait «avec la plus grande fermeté face à toute tentative de porter atteinte aux intérêts publics et privés». Hier matin, sous une chaleur torride, quelques milliers de personnes étaient déjà rassemblées sur la place Tahrir, scandant «A bas l'armée», avant d'entamer une prière collective. Première force politique d'Egypte et rivale historique des militaires qui dominent le système depuis la chute de la monarchie en 1952, la confrérie a été rejointe dans cette manifestation par d'autres groupes politiques, dont le mouvement du 6 avril, l'un des initiateurs des soulèvements ayant abouti à la chute de M.Moubarak en février 2011. Le mouvement islamiste a mené des négociations avec différentes forces politiques du pays. Sa branche politique, le Parti de la liberté et de la justice (PLJ) a annoncé qu'il allait dévoiler «un projet politique national pour défendre la révolution», estimant que les militaires l'avaient confisquée avec un «coup d'Etat constitutionnel». Le CSFA vient en effet de s'octroyer de vastes prérogatives lui permettant de rester aux commandes quelle que soit l'issue de l'élection présidentielle, après la dissolution, suite à une décision de justice, de l'assemblée nationale dominée par les islamistes. Selon le PLJ, M.Morsi s'est entretenu au téléphone avec Mohamed El Baradei, prix Nobel de la paix et politicien réformiste, ainsi qu'avec Abdel Moneim Aboul Foutouh, candidat à la présidentielle éliminé au premier tour. Dans ce contexte tendu, les Egyptiens attendent toujours la proclamation des résultats officiels, initialement prévue jeudi. La commission électorale a en effet demandé plus de temps pour examiner les multiples recours présentés par les deux camps. Un membre de la commission a évoqué une annonce «samedi (aujourd'hui) ou dimanche (demain)», mais selon son secrétaire général, Hatem Bagato, aucune date n'a encore été fixée. Jeudi soir devant la presse, Ahmed Chafiq a appelé la population au calme et a revendiqué être le futur président de l'Egypte. «Je suis confiant sur la base des données et indications dont nous disposons, que je serai le futur président, mais je vais respecter la décision de la Haute commission électorale et attendre son verdict», a-t-il déclaré. M.Chafiq a aussi accusé les Frères musulmans, sans les nommer, de chercher à «faire pression sur la commission électorale en multipliant les manifestations sur les places publiques». A Paris, le ministre français des Affaires étrangères, Laurent Fabius, a fait part de sa préoccupation face aux récents développements institutionnels en Egypte et a affirmé que le choix du peuple égyptien devait être «respecté». «Le maintien de l'ordre public doit se faire dans le respect des droits de l'Homme et des libertés fondamentales», a insisté M.Fabius.