Dans le même sillon que ses oeuvres précédentes, la danseuse creuse le temps ici et l'étire à l'infini pour en extraire une poésie, son essence étourdie qui nous ferait oublier nous-mêmes. A trois semaines avant sa présentation au Festival d'Avignon, en France, la danseuse et chorégraphe Nacéra Belaza a tenu à donner (au Palais de la culture samedi dernier) un aperçu de son travail intitulé Le trait, comme trait d'union et possible complémentarité entre ses différents spectacles mais aussi ses trois pièces qui unissent le dernier. Comme mise en bouche, Nacéra n'a de cesse de vouloir rencontrer des jeunes danseurs ici en Algérie et en a justement croisé quelques-uns. Il s'agit de la troupe Casbah danse de Faïza Ouamane qui, en l'espace de trois jours, a concédé à lui emprunter trois de ses danseuses et un danseur pour une représentation singulière, inattendue pour ses danseurs car sans musique! Dans le même sillon que ses oeuvres précédentes, Nacéra Belaza creuse le temps ici et l'étire à l'infini pour en extraire son essence étourdie qui nous ferait oublier nous-mêmes. Une ébauche de rencontre un peu à l'image de son travail personnel. Trois filles et un garçon marchent en cercle. Tapent du pied et des doigts. Le rythme des pas s'accélère et la ronde aussi. Face au public, ils s'épanchent avec les mains, les bras évacuent un souffle libérateur, jouent des mains suggérant une quelconque danse traditionnelle et donnent à voir au final un corps en frénésie. De nouveau le cercle. Goumari, extrait du diwan gnawa est chanté d'abord timidement avant que la voix ne s'élève crescendo jusqu'à l'épuisement. La pièce qui suivra est la première du spectacle Le trait. Un duo de danseurs (casté l'an dernier à Alger) qui réagit étrangement au son d'une musique orientalo-triballe des plus intenses. Contraste et désaccords entre le corps qui ne réagit que subrepticement à la cadence et ballet rythmique de cette musique assourdissante. Les danseurs sautent, leurs têtes bougent. Le temps s'étire. Les corps sont comme rudoyés jusqu'au vertige, puis l'accalmie. Silence, place à Dalila Belaza. Un spectre de corps se devine au loin sur scène. Noire. Le calme après la tempête. Une musique soufie qui provient de loin. Lenteur des gestes accompagnent cette forme de torpeur qui régénère petit à petit le corps et insuffle vie à l'esprit. Une mélopée spirituelle berce le corps. Les bras s'allongent comme vaguant sur un nuage indéterminé. Sous les airs d'un gospel et d'un vent que l'on devine chaud se dessine pour sa part l'autre solo du Trait. Les contours des gestes de Nassira Belaza qui passent de l'ombre se dirigeant vers la lumière, tendent à révéler une poésie, une fulgurance d'esprit, une image sans pour autant en représenter une de précis mais laissant libre cours à l'imaginaire créative du public afin d'interagir avec le spectacle, s'oublier enfin. Se laisser aller. Faire exister les différents états par lesquels passe la danse et travailler dessus, est le propos de la chorégraphe qui soulignera «vouloir garder sur un plateau que l'essence des choses». De la tension au calme, dilater le temps, le faire glisser sur nous pour se vider l'esprit et exprimer enfin cette liberté qui vient du corps. «Le temps de vivre»! Dans Le trait, Nacéra Belaza a été puiser dans ses racines ce qui lui fait signe et sens, moderniser la danse populaire, africaine par une forme épurée en mettant de côté l'aspect folklore puis «Trouver l'endroit où le temps n'est plus décompté, à toucher du doigt l'infini pour accéder à cet espace où l'on peut enfin partager...».