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Que raconter à nos enfants?
Publié dans L'Expression le 05 - 07 - 2012


C'est le grand jour! L'Algérie à «cinquante» ans d'Indépendance. Sous quel angle ce glorieux événement doit, devait être apprécié? Devrons-nous établir un bilan de cinquante années d'indépendance, ce qui implique nos productions, nos réalisations et notre développement durant cette période. Devons-nous plutôt nous interroger sur ce qu'est la Révolution devenue? Comment alors célébrer cette conquête de la liberté pour laquelle un million et demi de martyrs (en nous en tenant au chiffre officiel) se sont sacrifiés? Que raconter à nos enfants? En effet, quels sont ces Hommes qui ont initié, conduit une Révolution, que peu ou prou d'Algériens, de la génération de l'Indépendance, connaissent vraiment, si jamais, il y eut volonté de les leur faire connaître. Alors quid de l'Algérie de 2012? Or, l'Algérie de 2012 importe 95% de ses besoins alimentaires, industriels, en médicaments et de services. Est-elle en 2012 plus souveraine qu'elle ne l'était en 1962 quand elle produisait à suffisance et exportait fruits, légumes et blé en France et à l'étranger? Au moment où nous devions écrire sur nos «injazzat» post-indépendance, nous nous trouvons face à un dilemme: qu'avons-nous produit comme bâtisseurs, quand aucune ville digne de ce nom n'a vu le jour en 50 ans; quand l'agriculture du pays dépérit, que l'Algérie est dépendante de l'importation pour se nourrir; que son industrie est passée à côté de notre révolution industrielle. Qu'en est-il de l'art et la culture alors que nous en sommes toujours à préparer notre écriture de l'Histoire, accessoirement à revisiter la longue marche de l'Algérie vers la réappropriation de son identité de Syphax et Massinissa jusqu'à Boudiaf, Benboulaïd, Didouche, Bitat, Zighout, Ben M'hidi, Krim Belkacem, Ferhat Abbas et Messali Hadj, de saint Augustin, Jugurtha, Qoceila, Dihiya (La Kahina), Tarek Ibn Ziad, Ibn Tachfin, Yaghmoracen, Lalla Fathma N'Soumer, l'Emir Abd El Kader et Ahmed Bey, etc., etc. Cette liste n'est pas exhaustive mais ce sont des hommes et des femmes qui ont écrit en lettres d'or les pages les plus glorieuses de l'Histoire de l'Algérie. Or, qui les a honorés quand ces pages de notre Histoire - dont nous n'en connaissons que des bribes ici et là - sont demeurées vierges, n'ont pas commencé à être écrites, un demi-siècle après l'Indépendance, maintenant la jeune génération dans l'ignorance de ce qu'a été ce pays appelé «Algérie». En nous en tenant à l'Histoire récente, que savons-nous du Mouvement national, des hommes et des femmes qui en ont été les fers de lance, conduisant notre Révolution? Beaucoup de questions en vérité, peu de réponses sur des faits qui intéressent au premier chef les Algériens et singulièrement la génération de l'Indépendance privée de ces pages glorieuses de l'Histoire de l'Algérie écrite avec le sang des Martyrs de la Révolution. Il n'est pas question d'accabler nos historiens, mais il faut bien constater que les pages du livre de l'Histoire de la Révolution de Novembre demeurent blanches, et ce n'est pas, à tout le moins, les «séminaires» sur l'écriture de l'Histoire de la Révolution, revue et corrigée, qui ont rétabli les faits d'un Mouvement national phagocyté et pris en otage par des clans. Faut-il aussi déplorer que les rares textes «indépendants» sur la Révolution algérienne, dus à des historiens algériens, sont édités à l'étranger et souvent inaccessibles aux Algériens auxquels ils s'adressent en priorité? Aussi, nonobstant ce que l'Algérie officielle fait, ou va faire, pour célébrer cet événement, qu'a produit la société civile pour dire une Révolution à laquelle peu d'écrits, peu de films ou de pièces de théâtre ont été consacrés? Voilà donc des pages qui demandent à être remplies car, souvent, est mise en avant l'histoire séculaire de ce pays, mais où sont donc les textes, les témoignages, qui disent cette histoire, qui racontent une nation et les hommes qui l'ont construite, qui ont façonné cette spécificité algérienne à nulle autre pareille. Aussi, le Cinquantenaire de l'Indépendance - qui aurait dû être une foison de textes, de films et documentaires présentant, racontant et chantant sur tous les tons et sous toutes ses facettes la Révolution et l'Algérie - risque fort de rester une journée ordinaire de plus pour notre pays.

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