Les chefs de la diplomatie de l'Union du Maghreb (UMA) se réunissaient hier à Alger dans une tentative de relance d'une machine qui, en fait, n'a jamais vraiment démarré coincée qu'elle a été dans des starting-blocks qui ne se débloquaient pas. L'UMA manquait dès le départ d'une vision globale de ce que devait être cette région et surtout de ce que l'on voulait faire du Maghreb. Ce qui était déjà un impondérable préjudiciable et qui, de fait, causa beaucoup de dommages au Maghreb et à son unité. A ces difficultés, inhérentes à toute oeuvre de cette dimension, se sont additionnées les luttes de leadership qui n'ont jamais permis au Maghreb de se positionner dans les grandes questions géostratégiques et politiques qui agitent le monde. L'UMA n'a pas su, par ailleurs, saisir la chance d'être une alternative forte dans la construction d'une gouvernance maghrébine ouverte, capable de faire développer les potentialités de cette région qui étaient, sont toujours, énormes. Un vrai gâchis! Cet ensemble de cinq pays (Algérie, Libye, Maroc, Mauritanie et Tunisie, auxquels s'est joint durant une courte période - en tant que membre observateur - l'Egypte qui n'a pas alors caché son intention d'adhérer au collectif maghrébin) - depuis l'apparition de l'idée d'union (en juillet 1988 à Zéralda et concrétisée en 1989 à Marrakech) - avait devant lui la possibilité de construire quelque chose de grand et d'original dans cette partie de l'Afrique. Tout concourait pour arriver à l'édification du Grand Maghreb. Il fallait cependant compter avec le doute des uns, l'impréparation des autres, et l'égoïsme de tous. Un ingrédient détonant qui n'a pas permis à l'Union du Maghreb d'étrenner réellement son existence. Il fallait bien commencer quelque part, l'économie, l'industrie, une défense intégrée, un Parlement maghrébin, une justice unifiée, une politique étrangère cohérente avant d'arriver à la pierre angulaire du projet politique que sera le Maghreb. C'était là autant de pierres qu'il fallait, jour après jour, ajouter à la construction de l'édifice du Grand Maghreb. Au total, 23 ans après la création officielle de l'Union du Maghreb, aucune de ces réalisations n'a vu le jour, les échanges économiques demeurent minimes, le passeport est toujours en vigueur entre les cinq entités maghrébines, la politique étrangère maghrébine n'a jamais été autant antinomique qu'elle ne l'a été ces dernières années. Ces rappels des échecs pluriels de l'UMA sont en vérité nécessaires au moment où ses chefs de la diplomatie se réunissaient pour tenter une énième relance laquelle demande, cela ne fait pas de doute, plus de volonté politique que n'en ont fait montre, jusqu'ici, les dirigeants maghrébins. En effet, il ne faut pas se leurrer, l'UMA doit désormais être réfléchie autrement, ledit «printemps arabe» est passé par là, bouleversant la géopolitique locale et rendant quelque peu caduques les croyances d'hier. Mais pas que le «printemps arabe», car face à une mondialisation abusive, l'avenir du Maghreb risque fort de ne plus lui appartenir, quand ce sont des forces extra-maghrébines qui agissent ouvertement ou en coulisse pour «réaménager» cette vaste région. Il ne suffit plus de se réunir, il faut décider de ce que sera, devra être, l'UMA sans attendre que les choses se décantent, ou que l'on nous impose de faire quelque chose de l'extérieur. Le Maghreb a déjà perdu beaucoup de temps et de batailles. Or, sans réelles perspectives à moyen et long terme et sans programmes politique et économique crédibles, encadrant des projets maghrébins tangibles capables de stimuler le développement, il est vain de faire croire à une existence de l'UMA qui n'est en fait que virtuelle. Cela est d'autant plus vrai, que c'est en matière de politique étrangère que le bât blesse, quand chaque pays maghrébin a ses propres priorités qui ne sont ni partagées ni prises en compte par ses autres partenaires. Pour l'UMA c'est maintenant ou jamais de remettre le train sur les rails. Pour l'heure, nous en doutons fortement du fait même que les Maghrébins n'ont pas su où se trouve leur intérêt, ni pu prendre en main leur propre devenir.