L'affaire de cet îlot a eu un dénouement, demeurent les failles de l'UMA qui sont apparues La crise de l'îlot contesté, Leïla-Perejil, entre le Maroc et l'Espagne, aura eu à tout le moins le mérite fort instructif de relativiser et de remettre à ses justes dimensions, l'Union du Maghreb arabe. Les Marocains qui ont, ces dernières années, tout fait pour saborder cette institution régionale, feignent aujourd'hui de s'étonner du manque de solidarité d'un ensemble qu'ils n'ont pas manqué de ridiculiser (voir les demandes d'adhésion du Maroc à l'UE) et de snober. Le roi Mohammed VI avait même contrarié la tenue du sommet de relance de l'UMA (en juin dernier) en décidant de ne pas se déplacer à Alger. Contrairement donc, à l'Orient arabe qui apporta un soutien ferme à Rabat, les pays du Maghreb, à l'exception notable de la Libye, ont plutôt fait grise mine restant sur une prudente réserve. La Tunisie et la Mauritanie, faisant montre d'une neutralité qui cachait mal leur embarras. L'Algérie, pour sa part, s'en tenait au principe cardinal de la condamnation de tout fait accompli (ce qui était le cas dans l'affaire de l'îlot en cause) nonobstant les droits que le Maroc pouvait faire valoir quant à la «marocanité» du rocher en question. En vérité, dès le départ, ou dès sa mise en chantier, l'Union du Maghreb péchait par un vice rédhibitoire: celui de l'auberge espagnole. Auberge ou chacun était assuré de trouver ce qu'il a luimême apporté. Ainsi, le chapitre qui pouvait constituer la base, sinon le ciment de l'Union naissante, la politique étrangère, s'est trouvé être celui qui, tout au long de ces années, a été la pomme de discorde entre les cinq Etats maghrébins. Ainsi, deux ans après la constitution de l'UMA, (en 1991) la politique étrangère de ses Etats membres s'est illustrée par une cacophonie sans pareille, notamment dans l'affaire irako-koweïtienne, qui a vu chaque Etat faire des choix totalement contradictoires avec la construction d'un Maghreb qui se voulait parler d'une seule voix. Il n'est pas superflu de rappeler que Rabat s'est impliqué dans la coalition anti-irakienne au moment où les autres Etats maghrébins tentaient de garder la balance égale entre l'Irak et le Koweït en essayant d'inciter au règlement du différend par la négociation. Ce cavalier seul de Rabat s'est aussi exprimé à maintes occasions lorsque le Maroc prenait à contrepied les positions de ses autres partenaires maghrébins. Si l'UMA s'est mise en exergue par les prises de position en rangs dispersés, de ses membres, le Maroc n'y est pas totalement étranger, qui n'a rien fait pour se rapprocher des autres Etats et, pourquoi pas, leur faire partager ses préoccupations quant à ses revendications sur les îles de la Méditerranée et sur les présides de Ceuta et Melilla, qui auraient pu devenir les revendications de l'ensemble des Etats de l'UMA. Le Maroc a choisi une autre politique qui s'est exprimée par les oukases, (comme cela a été le cas dans l'affaire du Sahara occidental), préférant imposer ses pseudodroits par la force plutôt que de faire confiance à l'expression des peuples, ou à chercher des solutions par la voie de la négociation. Mais cela est une autre histoire. Les confrères marocains peu amènes, avec les voisins du royaume chérifien, découvrent aujourd'hui, un peu tard, l'isolement du Maroc. Isolement qu'il a lui même provoqué par une politique de voisinage peu appropriée et, de surcroît, égoïste et expansionniste. Le Maroc, qui ne s'est jamais engagé sérieusement pour l'édification de l'UMA, doit méditer l'exemple de l'Union européenne unie comme un seul Etat derrière l'Espagne que celle ait eu tort ou raison (de fait le commissaire européen Romano Prodi est allé plus loin dans sa condamnation de l'occupation de l'îlot que ne le fit le chef du gouvernement espagnol José Maria Aznar.) L'UMA est une idée, généreuse certes, mais qui n'a de chance de se concrétiser que dans la perspective où tous les acteurs maghrébins jouent le jeu de son édification sans arrière-pensée et autres calculs. Ce que le Maroc n'a pas compris, en décidant de façon unilatérale de faire obstacle à l'existence de l'Union du Maghreb notamment en la liant à un dossier (décolonisation du Sahara occidental) du ressort du Conseil de sécurité de l'ONU. Aussi bien, l'intérêt stratégique du caillou de Leïla-Perejil étant nul, reste toujours de savoir les véritables tenants et aboutissants d'une crise qui n'a pas livré tous ses secrets, d'autant que Rabat ne semble revendiquer ni Ceuta ni Melilla, villes marocaines sous administration espagnole. Les Espagnols ont quitté, samedi, l'îlot contesté, après la médiation américaine, mais l'affaire est-elle pour autant close? Il y a lieu d'en douter, car beaucoup de zones d'ombre subsistent.