Depuis pratiquement ses tout débuts, l'Agence mondiale antidopage (AMA) a investi des millions de dollars dans la recherche scientifique pour mettre au point une méthode de détection. Si nul ne peut dire avec certitude que le dopage génétique est déjà une réalité, la possibilité est bien prise au sérieux par les autorités antidopage et les scientifiques sont en course pour trouver le moyen de démasquer tout sportif qui serait tenté de manipuler son ADN. Les experts de la lutte antidopage ont vite compris que les progrès de la thérapie génique pourraient être détournés un jour par des athlètes peu scrupuleux afin d'améliorer leurs performances. Au lieu d'injecter un gène chez un malade pour corriger un gène déficient, les mêmes procédés pourraient servir chez un athlète sain à décupler sa production naturelle d'érythropoïétine (EPO) dans le but d'augmenter sa capacité d'endurance, ou celle d'hormone de croissance pour gagner en force musculaire. «Vous pouvez prendre un athlète parfaitement constitué et bidouiller dans ses gènes pour le rendre encore plus fort», souligne Don Catlin, l'ancien directeur du Laboratoire antidopage de Los Angeles. Le mouvement sportif a été forcé de prendre cette théorie d'autant plus au sérieux qu'un ancien entraîneur d'athlétisme est-allemand fut accusé d'avoir cherché à obtenir du Repoxygen, un gène médicament alors en cours de développement, avant les jeux Olympiques de Turin de 2006. Ce produit destiné à traiter l'anémie contenait un virus synthétique portant le gène de l'EPO, l'hormone qui joue un rôle clé dans la production de globules rouges. Depuis pratiquement ses tout débuts, l'Agence mondiale antidopage (AMA) a investi des millions de dollars dans la recherche scientifique pour mettre au point une méthode de détection. «Nous avons approché les grands spécialistes de la thérapie génique dans le monde, avec lesquels nous travaillons depuis 2002», explique David Howman, le directeur général de l'AMA. Pour autant, il n'existe ́ ́pas de preuve ́ ́ selon lui que des athlètes aient recours à des manipulations génétiques. Des propos que Don Catlin nuance: «Je n'en connais pas, mais en même temps personne ne va m'appeler pour me dire qu'il l'a fait. Ce sujet nous préoccupe car c'est une possibilité théorique. Nous savons que des personnes essaieront ou probablement sont en train d'essayer.» Si des percées scientifiques dans la détection du dopage génétique ont déjà été faites, aucun test n'est cependant prêt pour les Jeux de Londres (27 juillet - 12 août), pointent des observateurs de la lutte antidopage. Spécialiste de génomique dans le sport, Alun Williams croit qu'un gène d'hormone de croissance injecté directement dans le muscle serait quasiment impossible à détecter dans l'urine ou le sang, les deux échantillons prélevés lors des contrôles antidopage actuels. «Il faudrait faire des biopsies à un athlète pour avoir des meilleures chances de trouver quelque chose, mais c'est une procédure bien trop intrusive... Et en plus, il faudrait le faire dans chaque muscle», fait valoir ce professeur de l'Université de Manchester. Avec les contrôles antidopage actuels, les chances de détecter de l'ADN étrangère sont «probablement égales à trouver une aiguille dans une botte de foin», estime Alun Williams, selon qui il faudra encore quelques années de recherches avant d'y arriver. Cependant, la thérapie génique dans l'espoir de soigner des cancers, la maladie d'Alzheimer ou autres, n'en est qu'à ses prémices et n'est pas sans risque. Trop de risques, pensent certains, pour inciter les sportifs à franchir le pas. «Selon plusieurs études, des patients ont connu de graves effets secondaires et plusieurs sont morts», insiste Théodore Friedman, directeur du programme de thérapie génique à l'Université de Californie. Mais l'histoire du dopage a déjà montré que certains étaient prêts à tout pour toucher la gloire. Alors le dopage génétique est-il juste un fantasme? «Un moyen pervers de le savoir est de voir si des athlètes commencent à tomber raides morts», avance Don Catlin.