La zone maudite Le chef de la diplomatie française a à peine tourné les talons qu'une autre page douloureuse de l'histoire qui lie la France à son ex-colonie a encore livré certaines de ses atrocités. L'Etat français est sur le point d'être épinglé par la plainte déposée fin 2003 par l'Aven (Association des victimes des essais nucléaires). Dés le début de l'année 2004, une enquête avait été ouverte pour «homicide involontaire, atteinte à l'intégrité physique et administration de substances nuisibles». Des expertises ont été réalisées à la demande de la juge d'instruction chargée de l'affaire, Anne-Marie Bellot. Elles concluent à un lien probable entre les retombées radioactives des bombes et les graves maladies (cancers notamment) développées par d'anciens militaires ou professionnels du nucléaire, peut-on lire sur le site du quotidien français Le Parisien. C'est le cas pour 6 personnes sur les 15 «expertisées», tant en Algérie qu'en Polynésie française indique le média parisien dans son édition du 17 juillet. «En rassemblant de nombreux éléments, j'ai pu construire un faisceau de présomptions qui permet de dire que le lien entre les retombées radioactives et les maladies est vraisemblable pour certains des cas expertisés», indique l'expert Florent de Vathaire dans les documents auxquels a eu accès le journaliste du Parisien. «C'est un élément fort qui va peut-être enfin obliger l'armée à fournir toutes les informations sur les militaires ou les civils présents lors des tirs, et pour qui les dossiers sont incomplets», estime l'avocate Cécile Labrunie qui suit le dossier. La grande muette va peut-être parler. «Marie-Odile Bertella-Geffroy, la juge d'instruction qui a repris le dossier, vient de lancer une commission rogatoire pour récupérer le maximum d'archives. Le but: obtenir la déclassification des dossiers laissés secret-défense les plus sensibles qui n'ont pas encore pu être exploités», révèle l'enquête du Parisien. Un nouvel espoir pour les victimes algériennes des essais nucléaires français effectués au Sahara. Selon certaines estimations, près de 30.000 sont concernées. Elles attendent d'être indemnisées. Reggane, In Ekker... symbolisent des lieux d'une mémoire dramatique que la France doit assumer. Ils lui ont servi de centre d'expérimentation pour l'acquisition de l'arme atomique pour être propulsée au rang de quatrième puissance mondiale. L'humanité en a payé le prix fort. On estime à 150.000 les victimes potentielles des essais nucléaires français effectués en Algérie et en Polynésie française entre 1960 à 1966. Les irradiations émises par «Gerboise bleue», nom de code de l ́opération qui avait pour but de procéder à l ́essai de la première arme nucléaire française à Reggane le 13 février 1960, bombe d ́une puissance de 70 kilotonnes qui représentait l ́équivalent de quatre fois celle d ́Hiroshima, a provoqué de graves maladies (cancers, cécité, maladies de la peau...) sur les populations de la région. 3 autres de moindre intensité (5 Kilotonnes), «Gerboise blanche, rouge et verte», ont suivi du 1er avril 1960 au 25 avril 1961 alors que 13 autres essais souterrains furent effectués du 7 novembre 1961 au 16 février 1966 à In Ekker à environ 150 km au nord-nord-ouest de Tamanrasset. Il faut rappeler qu'à travers un précédent document, le journal français Le Parisien avait révélé au mois de février 2010 que des soldats ayant servi sous le drapeau français avaient été volontairement exposés aux radiations émises par les essais nucléaires dans le Sahara algérien entre 1960 et 1966 afin d'«étudier les effets physiologiques et psychologiques produits sur l ́homme par l ́arme atomique». Certains d'entre eux ont témoigné. «A l ́époque, les hommes ne comptaient pas», avait fait constater Lucien Parfait, une des victimes dont le visage a été ravagé par ces expériences. «Certains de mes amis sont décédés. Moi, j ́ai eu des cancers au niveau de la tête, mais on me dit que ça n ́aurait rien à voir», a renchéri un de ses compagnons d'infortune, Fernand, qui fut «baladé» sur le point zéro de «Gerboise bleue»... Un autre visage de la Guerre d ́Algérie qui montre que les plaies sont loin de se cicatriser. Le chef de la diplomatie française, qui était l'hôte de l'Algérie pendant deux jours, les 15 et 16 juillet, a à peine, tourné les talons, qu'une autre page douloureuse de l'histoire qui lie la France à son ex-colonie a encore livré certaines de ses atrocités...