Un rapport français de la Défense ne souffle mot sur les victimes algériennes des explosions. La France a officiellement rendu public, à travers le site Internet de son ministère de la Défense, un document de présentation des essais nucléaires et de leur suivi au Sahara algérien. Le dossier a pour titre Le suivi des essais nucléaires français et comme texte d'introduction: La Défense met à disposition du public les communiqués, dossiers et rapports suivants sur les essais nucléaires français au Sahara et en Polynésie française. Il s'agit, en fait, d'un dossier avec des illustrations photos, cartes et graphiques qui retrace l'historique des tirs, les mesures de sécurité, les études radiologiques aussi bien sur les lieux que sur les hommes et détaille les principaux accidents qui s'y sont produits. On saura ainsi que la France a effectué 17 essais nucléaires dans le Sahara algérien entre le 13 février 1960 et le 16 février 1966. Une première série de tirs a eu lieu à une cinquantaine de kilomètres au sud de Reggane, oasis située à 700 kilomètres de Béchar qui comptait alors quelque centaines d'habitants (près de 35.000 aujourd'hui). Quatre tirs atmosphériques ont été réalisés. Gerboise bleue, le 13 février 1960, était une bombe de 70 kilotonnes (kt) disposée sur un pylône. Les suivants, les Gerboise, blanche (1er avril 1960), rouge (27 décembre 1960) et verte (25 avril 1961), deux sur pylône et un au sol, étaient d'une puissance de moins de 5 kt. La deuxième série de tirs, treize, du 7 novembre 1961 au 16 février 1966, a été effectuée à un autre endroit, dans le massif du Hoggar, à proximité d'In Ekker. Ils n'étaient plus atmosphériques: les engins étaient placés au fond de galeries en forme de colimaçon de manière à ce que l'onde de choc générée par l'explosion obture la galerie et piège les produits radioactifs sous terre. Pourtant, 4 essais n'ont pas été confinés et des produits radioactifs se sont échappés. Ce témoignage officiel apporté par les autorités françaises relance le débat au sujet des dégâts occasionnés parmi les civils algériens et le milieu naturel. Le rapport reconnaît qu'il subsiste encore des traces radioactives des dix-sept explosions atomiques réalisées sur le sol algérien. Mais aucune information n'est donnée au sujet des victimes, côté algérien, exposées dans les sites d'expérimentation. Alors que l'accent est mis sur le personnel militaire français qui a été assez sévèrement exposé, dont deux ministres, Pierre Messmer et Gaston Palewski. Ce dernier est décédé d'une leucémie. Neuf militaires ont séjourné en zone contaminée et ont été transportés à l'hôpital Percy de Clamart, après décontamination, et font l'objet d'un suivi médical continu. Ils ont été victimes d'un incident technique lors de l'explosion qui a occasionné la fuite d'un nuage radioactif qui a été poussé par le vent en direction du poste de commandement des opérations. Aucun traître mot sur les Algériens qui ont servi de cobayes lors des explosions, ni sur les personnes encore vivantes dans les alentours de Reggane, Tamanrasset et la région du Hoggar qui gardent encore des séquelles de malformations et souffrent de maladies diverses liées aux effets radioactifs. Plusieurs accidents ont eu lieu durant les essais nucléaires du Sahara et il n'est pas à exclure que les dommages causés ne soient pas plus importants que ceux signalés par l'Agence internationale de l'énergie atomique. La France qui n'a jamais osé regarder dans le rétroviseur de l'histoire coloniale a pourtant, décidé de le faire, son Parlement n'a-t-il pas voté une loi de glorification du fait colonial assimilé à une oeuvre de civilisation? La loi du 23 février est une insulte à la mémoire des populations martyres. Une insulte aux héros de la révolution et des combattants de la liberté dont le chahid Larbi Ben M'hidi qui a été torturé et assassiné par les tortionnaires du sinistre Bigeard et de son acolyte Aussaresses qui a récemment reconnu que celui qui a tenu tête à la France et ses geôliers, par les armes et le verbe acéré trempé dans la foi nationaliste, a été pendu. Rattrapé par l'histoire et tourmenté par ses crimes, le vieil homme dévoile la face cachée d'une colonisation aussi destructrice que barbare. Reste maintenant à exiger de la France la vérité et toute la vérité sur «l'histoire commune» et la cohabitation forcée imposée au peuple algérien. Le ministère français de la Défense se défend et réfute catégoriquement les accusations portées par les Algériens, affirmant que «ce sont des mannequins revêtus, ou non, des tenues de protection qui ont été utilisés» lors des expérimentations. De là à croire que les autorités militaires aient considéré les Algériens comme des mannequins est un pas que nous osons franchir au vu de l'idéologie qui a toujours caractérisé, à l'époque des faits, le colonisateur français. Combien de villages ont été brûlés au napalm et combien de civils ont été bombardés par les avions de combat dans les zones reculées de l'Algérie? La France a de tout temps menti sur son passé colonial en Algérie. Ses archives sur le sujet sont restées inaccessibles aux historiens et chercheurs des deux rives de la Méditerranée. Un fort démenti et de vives critiques ont été apportés à ce rapport par l'Association des vétérans des essais nucléaires (Aven) qui se déclare insatisfaite de ce rapport et reproche au ministère de la Défense d'entonner «à nouveau le refrain de la bombe propre». «Alors qu'il serait de la responsabilité du gouvernement français, en accord avec le gouvernement algérien, de mettre en place une surveillance de la radioactivité des sites, comme celle installée à Mururoa et à Fangataufa, de nettoyer les zones contaminées comme les Britanniques l'ont réalisé en Australie, le ministère de la Défense s'autocongratule sur l'absence d'incidence environnementale de ses essais», déplore l'Aven. La France est-elle prête à un travail de mémoire en ce qui concerne son passé colonial et les crimes commis en Algérie? Au mois de février dernier, lors de l'ouverture du séminaire sur l'énergie nucléaire civile organisé par l'Algérie, le président de la République avait mis l'accent sur le crime nucléaire français commis en Algérie et rappelé les méfaits de la colonisation. Tôt ou tard, la France est appelée à rendre des comptes pour espérer entrevoir un avenir en commun avec l'Algérie.