La bande à Karim Ziad a explosé le théâtre de Constantine lundi soir. Exit le malouf et place au jazz et à la fusion qui a porté les rythmes maghrébins très très loin. Le drummer algérien, reconnu dans toutes les capitales de la musique, est pour beaucoup dans cette évolution qui a poussé les rythmes ternaires dans une nouvelle dimension grâce à sa façon inégalable qui invente le groove entre la caisse claire et le charleston. Karim Ziad était de retour à Constantine, accompagné cette fois par toute la formation d'Ifriqia, rien de plus pour gâter le public. David Aubaile annonce les premières notes de piano et les coups de baguette confirment : The Joker. Le titre éponyme du premier album est joué sur fond de karkabou. La section est assurée par Mohamed Menni et Aziz Sahmaoui. Mais quand Alain Debiossat, saxophoniste de Sixun et de l'ONB, est aussi de la partie, les notes en cuivre s'allongent et s'éternisent et apportent toute la nervosité au jeu. Karim tape. La salle s'enflamme et le public jubile. On enchaîne sur «Ya rijal», hymne à la fraternité et à l'amitié des peuples, mais juste après on annonce un nouveau titre figurant sur le deuxième album dont la sortie est prévue pour décembre prochain. «Ya rijal allah» est un morceau qui descend de la lignée des «Aït Oumrar» et «The Joker». Thème court, rythme emprunté au terroir avec ce qu'il faut de break et de changements, bref un morceau qui s'écoute facilement. On revient au répertoire de «Maghreb and friends» et «Yehdik allah», le titre le plus speed chanté à l'origine par B'net Houariat du Sud du Maroc. Pas de panique, Michel Alibo est là, ou devrait-on dire Michel tout court puisque c'est ainsi que le public chante son nom depuis qu'il l'a adopté au festival Majaz. Sur sa batterie, Karim Ziad agite ses baguettes et transforme l'ambiance du théâtre comme par un geste magique qui transforme le monde. L'aiguille monte, l'ambiance atteint son paroxysme et les solos s'enchaînent dans une orgie de percussions. L'inévitable «Constantine» prend la relève et la salle aime ce morceau à l'unanimité. Le très attendu Aziz Sahmaoui prend les choses en main à son tour. Place au chant et aux notes feutrées du gumbri. Avec sa voix envoûtante, le chanteur marocain emmène le public dans une visite du répertoire de l'ONB avec «Ahawah» d'abord et ensuite « Nabina ». Même Karim Ziad est enchanté par le feeling du chanteur et ce clin d'oeil au public constantinois et n'hésite pas alors à reprendre le gumbri et prolonger el gaâda gnawie. On arrive alors à la fin, le public n'y croit pas, c'est trop court. Mais attention, le plus beau est à venir. Michel laisse libre cours à son génie sur « Ifriqia » et s'envole dans un long solo. Un chef-d'oeuvre de technicité et de groove versé aussi bien dans le style de Marcus Miller que dans celui de Jacs Pastorius. Le plébiscite est réaffirmé, le public en veut encore et rappelle les musiciens qui reviennent pour un dernier morceau «Chabiba», tiré du nouvel album et c'est tout le monde qui danse. L'entente est parfaite et Karim Ziad, tout le groupe promettent de revenir à Constantine et l'on sait maintenant que ce sont des hommes de parole. Deux heures de bonheur et une nuit inoubliable pour Constantine, si l'on excepte le point noir de l'organisation et l'absence quasi-totale de l'information.