Ce pays, déchiré par des guerres civiles depuis 1973, aux ethnies manipulées tour à tour par la CIA, l'Arabie Saoudite, l'ex-Union soviétique et le Pakistan, n'en finit pas d'endurer. Le ministre iranien des affaires étrangères s'oppose fermement à ce que les taliban fassent partie de la coalition du futur gouvernement d'Union nationale. Le président du Pakistan, le général Mucharraf, exige que les taliban soient représentés dans ce gouvernement au prorata de leur ethnie, les Pachtounes, majoritaires. L'Iran, condamnant dans un même élan «les actes terroristes ayant frappé les Etats-Unis, condamne tout aussi fermement l'agression américaine contre l'Afghanistan.» Mohamed Ali Abtah, ministre chargé des relations avec le Parlement, et proche du président Khatami, déclare: «Les USA devraient comprendre que l'Afghanistan n'est pas un lieu où rester. Ils devront se retirer très vite.» M.Abtah, ancien directeur de cabinet du chef de l'Etat, définit la politique iranienne: «Dans cette crise, notre diplomatie suit trois lignes claires: la lutte contre le terrorisme, l'opposition aux Etats-Unis dans leur guerre contre l'Afghanistan, et le combat contre la version pétrifiée de l'Islam des taliban.» Par ailleurs, mus par une même crainte de voir les Américains s'installer en Afghanistan, Iraniens et Russes tentent de monter un axe politique pour accélérer la fin des frappes et le départ des GI. Dans ce but, une réunion a regroupé le général Ivanov ministre russe de la Défense, le responsable du FCB (ex-KGB), Kamel Kharazi ministre iranien des Affaires étrangères, l'ancien président afghan Burhaneddine Rabbani, et des représentants du Tadjikistan, dans la capitale tadjik Douchanbe. Un accord a été conclu, recommandant «un renforcement de la coopération russo-iranienne, ainsi que l'appui à l'Alliance du Nord, et la nécessité de liquider les taliban,» accusés de «génocide contre le peuple afghan, de destruction du patrimoine, (Les statues du bouddha géant, Ndlr) et de trafic de drogue». De l'autre côté de l'Afghanistan, le Pakistan ne renonce pas à ses bons offices pour convaincre «Amir el mu'minine», le mollah Omar, de se retirer du pouvoir pour laisser une chance aux taliban d'être dans le prochain gouvernement. Selon des informations diffusées dimanche par une agence de presse pakistanaise, le représentant des taliban au Pakistan a été chargé par le chef de la diplomatie pakistanaise de transmettre «un message très ferme au gouvernement taliban pour qu'il mette fin à cette guerre, sous peine de voir ce mouvement écarté de toute solution future». C'est la première fois que les parrains des taliban utilisent un ton aussi ferme, depuis le 11 septembre. La peur de voir l'Afghanistan leur échapper complètement amène les Pakistanais à brandir la menace du retrait de leur appui, quitte à jouer d'autres Pachtounes que les taliban. Ainsi, le pays des «cavaliers» se retrouve pris en otage entre ses deux puissants voisins, l'Iran et le Pakistan, qui se disputent depuis longtemps la suprématie diplomatique et religieuse dans la région.