La situation en Syrie devient tout à la fois grotesque et dangereuse. Grotesque comme la «résolution» adoptée, dimanche dernier, par le comité ministériel de la Ligue arabe chargé de la crise syrienne, réuni en urgence à Doha. Une «résolution» qui demande au président syrien Bachar al Assad d'abandonner le pouvoir en échange d'une «sortie sûre» pour lui et sa famille. Entendez par «sortie sûre», une assurance contre toute tentative de représailles contre lui et sa famille par l'Occident. Il ne faut pas être très doué pour comprendre que la Ligue se fait le porte-parole de la communauté dite internationale. Elle ne peut rien garantir à personne par elle-même. Elle n'en a pas les moyens. Fidèle à elle-même, l'Algérie qui a participé aux travaux, a émis des réserves sur cette «résolution» qui demande à Assad de renoncer au pouvoir «partant du fait que cette décision ne relève pas des prérogatives de ce conseil mais demeure une décision souveraine du peuple syrien frère», est-il précisé sur le document final de la réunion. L'Irak a suivi la position algérienne. L'aspect dangereux se trouve dans le passage de la Ligue du rôle de porte-parole à celui de faire-valoir auprès, notamment, d'Occidentaux qui utilisent cette «carte» pour justifier tous les coups tordus qu'ils mijotent contre les pays arabes. Le dernier exemple se passe de tout commentaire. Le ministre français des Affaires étrangères, Laurent Fabius, qui déborde souvent des instructions de l'Elysée, a appelé, samedi dernier, «l'opposition syrienne à se mettre en ordre de marche pour former rapidement un gouvernement de transition». Le lendemain, soit dimanche dernier, le Premier ministre du Qatar qui a présidé la réunion de la Ligue des Etats arabes sur la Syrie, le reprend en choeur en précisant à la presse que «les participants avaient appelé l'opposition et l'Armée syrienne libre à mettre en place un gouvernement de transition». A quoi sert la Ligue des Etats arabes? Il serait plus juste de poser la question autrement: qui sert-elle? Quand on constate que les positions de la Ligue rejoignent celles d'Israël qui ne cesse d'exiger le départ de Bachar Al Assad en faisant pression sur ses alliés occidentaux pour qu'ils se chargent de la sale besogne, on est en droit de se poser ce type de question. Il en fut ainsi pour la Libye et son chef d'Etat Gueddafi. Aujourd'hui c'est le même modus operandi qui est appliqué à la Syrie et son chef d'Etat Assad. La question devient plus oppressante quand on se rend compte qu'aucun pays membre de la Ligue n'est un exemple de démocratie, à l'exception de l'Algérie. Comment ces monarques de la ligue peuvent-ils montrer du doigt la dictature en Syrie? Quand on cible un chef d'Etat sans autre alternative, il y a dans une telle attitude la volonté de plonger le pays dans le chaos pour le long terme. La réponse syrienne a eu l'effet d'une bombe. D'abord la «proposition» de Doha est refusée. Ensuite et parce qu'elle subodore une intervention militaire étrangère, l'arme chimique a été brandie contre toute attente. Nul doute que les événements prendront, maintenant, une autre tournure. Mais il restera toujours cette question lancinante: à quoi sert la Ligue des Etats arabes? Qui sert-elle? Un questionnement que chaque Arabe se pose en cherchant à donner un sens au rôle de cette Ligue dans la défense des intérêts arabes. La méfiance est telle que son ancien secrétaire général, Amr Moussa, n'a eu aucune chance lors des dernières présidentielles en Egypte. C'est avec ces indices que l'on obtient la bonne mesure de l'audience d'une organisation auprès des peuples. Une organisation dont, très peu savent à quoi elle sert!