Le projet de Abassi Madani aura finalement peu de chances d'avoir l'aval de ses compagnons du parti dissous. Le projet de réconciliation nationale, plate-forme politique initiée par Abassi Madani et diffusée à partir de Kuala Lumpur, ne fait pas l'unanimité au sein de la direction de l'ex-FIS. Loin s'en faut. Le projet politique de l'ancien n°1 du FIS est jugé «irréaliste et anachronique», selon les propres termes d'un leader de la direction algéroise. L'initiative de Abassi Madani, qui reste encore un document qui circule en catimini d'un parti à l'autre, est une sorte de «fourre-tout» à la Prévert, où l'on trouve côte à côte des propositions qui touchent au politique, au social et au sécuritaire. Cependant, c'est bien le chapitre portant sur «l'amnistie pour tous ceux qui portent encore les armes dans les maquis» qui crée des zones de tension au sein de la mouvance islamiste. Selon un proche de Ali Benhadj, celui-ci ne serait pas de l'avis de Abassi Madani qu'il qualifie d'avoir été «très loin dans l'usage de ses prérogatives d'ancien porte-parole du parti». Cette critique très voilée à l'endroit du n°1 du FIS rappelle celle émise par Hachemi Sahnouni, cofondateur du parti, qui nous disait, il y a quelques mois que «Madani n'est que le porte-parole du parti, et qu'il ne doit, par conséquent, prendre aucune initiative politique de façon unilatérale et sans se référer à la direction légale représentée par les fondateurs-légalistes du parti». Sur ce volet portant sur l'amnistie générale qui toucherait l'ensemble des groupes armés, il semble que Abassi Madani a suivi le conseil de Mourad D'hina, leader de la nouvelle structure du FIS à l'étranger, qui préconisait, il y a quelques mois, dans un journal électronique, de contacter tous les chefs des organisations armées «qui se réclament encore du FIS afin de les amener à déposer les armes, après avoir négocié une solution politique avec les autorités algériennes». Une reddition négociée avec les chefs des organisations armées reste, en fait, la seule possibilité pour le FIS de regagner la confiance du pouvoir, lequel continue à accuser le parti dissous d'être à l'origine de la violence islamiste depuis 1992, année de sa dissolution par voie de justice et la création, en octobre de la même année, du Groupe islamique armé. L'AIS, réputée bras armé du FIS, voit, elle aussi, d'un mauvais oeil la proposition émise par Abassi Madani. Comment des groupes armés, nihilistes et criminels, pourraient bénéficier d'un même statut que ceux qui, unilatéralement, ont déposé les armes et se sont mis sous l'autorité de l'Etat? Il y a aussi les repentis du GIA et du Gspc qui, dans une large mesure, ne souhaitent pas être mis dans un même volet que les desperados qui sont encore dans les maquis. Du côté des partis islamistes, le MSP peut d'ores et déjà se prononcer contre un tel projet. Le parti de Abou Jerra Soltani, qui reste fidèle à une «ligne nationaliste» édifiée par son chef emblématique, le défunt Nahnah, «ne pourrait en aucun cas cautionner la violence passée et oublier ceux qui ont tué une centaine de ses cadres, dont Mohamed Bouslimani». Paradoxalement, c'est du côté du pouvoir que pourrait venir l'appui pour Abassi Madani. Si celui-ci peut faire arrêter la violence armée du Gspc et des autres groupes armés - le GIA, le Ghds, le Gsc et le Gspd - il pourrait avoir la «reconnaissance» du pouvoir, qui se traduirait alors par un geste de détente envers ses leaders, dont Benhadj, Djeddi, Guemazi, Kébir, etc. toujours soumis à des restrictions politiques et juridiques draconiennes. Mais le fait est là : il y a fort longtemps que certaines de ces organisations armées ont définitivement quitté le champ du religieux vers un terrorisme pur qui se traduit par un comportement où le banditisme et la criminalité ont pris le pas sur les aspects théologiques.