Cultivant le secret à souhait, le leader de l'ex-FIS laisse entendre qu'il n'est pas seul derrière cette initiative. Les Algériens en savent, désormais, plus long sur la «plate-forme» que se propose de rendre publique l'ancien président du parti dissous. Invité hier de l'émission Bila Houdoud, sur les ondes d'Al Jazira, Abassi Madani a indiqué que le document en question «se trouve déjà entre les mains du pouvoir et de nombreux acteurs politiques qui ont tous promis de ne pas le divulguer avant qu'un accord ferme ne soit trouvé». Si l'on en croit cet homme, reçu en grande pompe au Qatar, y compris par l'Emir de ce royaume, «le pouvoir n'a pas rejeté catégoriquement cette initiative même si la réponse en est encore au stade verbal et que nous attendons toujours un écrit en ce sens». Selon lui, toujours, «le pouvoir a insisté sur la nécessité de mettre en branle la première partie du document consistant à arrêter l'effusion de sang». Concernant ce point précis, Abassi Madani se montre moins secret en exposant les grandes lignes de son programme. «Il faut, dit-il, une amnistie générale et présidentielle, suivie par la libération de tous les détenus ainsi que par celle de tous les disparus encore vivants et détenus dans les prisons secrètes du pouvoir». Selon lui, ce genre de mesure «permettra aux gens qui se trouvent dans les maquis de descendre en toute sécurité et à ceux qui sont en fuite à l'étranger de rentrer sans inquiétude. La paix reviendra de facto». «Des garanties, explique-t-il encore, sont accordées aux décideurs pour qu'aucune vengeance ne soit exercée contre eux». Curieusement, l'homme qui désirait dissoudre le corps de la police en 1989, pour payer les aux foyers, souhaite aujourd'hui que soient libérés tous les détenus, y compris ceux liés au droit commun car, explique-t-il, «c'est le pouvoir qui est criminel». Une véritable hérésie qui ne laissera de dresser le peuple tout entier contre cette initiative qui fait face, depuis des années, à une montée en puissance d'un banditisme organisé. Il soutient, au passage, que «le FIS est victime. Les dérapages n'ont commencé qu'après que nous ayons été emprisonnés moi et Ali Benhadj». S'agissant des abus des biens de l'Etat, il a refusé de se prononcer, se contentant de dire «ne pas être une institution pour le moment». De quoi donner froid dans le dos puisque les discours de 1990 semblent de retour. Si l'on suit sa logique, en effet, les terroristes ne seraient coupables en rien dans ces dures années de larmes et de sang qu'a subies notre pays, plus d'une décennie durant. Abassi souhaite comme étape suivante et immédiate «la levée de l'état d'urgence afin que le peuple puisse exercer pleinement sa souveraineté». Abassi Madani, au passage, dément tout désaccord entre lui et le numéro deux de l'ex-FIS comme l'a rapporté la presse. Sur sa lancée, il soutient que «le président Bouteflika ne l'a pas aidé à quitter le territoire national», contrairement aux faits précis constatés et rapportés par toute la presse. Il ajoute ne pas avoir rencontré le président Bouteflika à Kuala Lumpur, mais ne pas refuser, toutefois, une «entrevue si elle devait servir à l'application de la plate-forme en question». Il n'en ajoute pas moins, que «Bouteflika ne décide pas. Il ne fait qu'appliquer les instructions venant de décideurs placés aussi bien en Algérie qu'un peu partout dans le monde». Abassi Madani, qui admet violer les interdits dont il est frappé et se montrer prêt à en supporter les conséquences, reconnaît également ne pas être parti en Malaisie pour se soigner. D'ailleurs, il déclare qu'il n'est pas prêt de regagner le pays tant que des garanties ne lui sont pas données quant à l'assurance de la satisfaction de sa plate-forme de paix. Il reprend pourtant à son compte le fameux slogan électoral de Bouteflika, celui de l'Algérie de «la dignité et de la fierté». La question, en attendant, reste entière sur sa présence dans ce pays depuis le 23 août jusqu'à cette semaine, d'autant qu'il indique que la plate-forme n'a vu le jour que depuis sa libération. Elle n'a donc pu se cristalliser qu'à Kuala Lumpur. Avec qui l'a-t-il concoctée et pourquoi avoir choisi la capitale malaise? Des questions auxquelles il refuse ostensiblement de répondre même s'il est aisé de deviner les noms de ceux qui peuvent être ses «associés» dans cette aventure, puisqu'il rappelle, non sans nostalgie, le bout de chemin qu'il avait fait avec le FFS et le FLN sous le règne de Mehri au début des années 1990. S'agissant de la présidentielle, Abassi indique que sa position est la même que celle qu'il a vis-à-vis du pouvoir: «Le changement des hommes ne change pas le système. Nous ne pouvons que nous inscrire en faux contre cette démarche». Et de démentir, au finish, «la candidature d'Ali Benhadj à la magistrature suprême». Un démenti qui peut confirmer le malaise existant entre Abassi et Benhadj puisque le frère de ce dernier, Abdelhamid, comme rapporté par nous dans une précédente édition, indiquait que «le numéro deux de l'ex-FIS projetait de présenter sa candidature et avait même concocté un programme complet en ce sens». Face au trouble général qui gagne la classe politique à mesure que se rapproche le jour J, force est de souligner que la sortie de Abassi Madani, tant attendue par tous, n'a guère contribué à éclairer les analystes et l'opinion sur ce qui se trame présentement.