La disparition de Meles Zenawi laisse un vide dans un pouvoir dont il était la cheville ouvrière La mort de Meles Zenawi, au pouvoir depuis 21 ans et pivot de la politique est-africaine, crée un vide en Ethiopie et dans la région instable de la Corne de l'Afrique. M.Meles, dont le décès a été annoncé mardi par Addis-Abeba, avait pris les commandes de l'Ethiopie en 1991, à la tête d'une guérilla qui venait de faire tomber le régime du dictateur Mengistu Haïlé Mariam. Devenu au fil des ans un allié-clé des Etats-Unis dans la lutte contre l'extrémisme islamiste dans la région, il personnifiait le pouvoir et les relations personnelles qu'il avait tissées avec ses interlocuteurs internationaux étaient au coeur de la diplomatie éthiopienne. L'intérim est désormais assuré par le vice-Premier ministre Haile mariam Desalegn, dont la marge de manoeuvre exacte reste inconnue. Le départ de M.Meles pourrait ouvrir une lutte au sein de l'élite dirigeante, dont l'issue, jugent des analystes, sera déterminante pour les relations du pays et ses voisins, ennemi érythréen en tête. «Les développements des prochaines semaines en Ethiopie pourront affecter le paysage économique, politique et sécuritaire de la Corne de l'Afrique pour des années», estime Jason Mosley, du centre de réflexion Chatham House. «Ce qui se passera dans la région dépendra de ce qui se passera en Ethiopie», poursuit Joakim Gundel, spécialiste de la Somalie, où Addis Abeba a envoyé deux fois en six ans son armée combattre des mouvements islamistes. Le pouvoir éthiopien repose sur la coalition du Front populaire démocratique révolutionnaire éthiopien (Eprdf), qui s'articule essentiellement autour du Front populaire de libération du Tigré (TPLF), l'ancienne organisation de la guérilla de M.Meles. «L'Eprdf n'est pas une organisation monolithique, pas plus que le Tplf», juge M.Mosley. «Des hauts cadres de l'Eprdf, en particulier parmi le Tplf, vont chercher à affirmer et protéger leurs intérêts». «La question est de savoir si la nouvelle élite dirigeante peut trouver un consensus sur un nouveau leader, et si ce leader sera capable de gérer les intérêts de tous, tout en maintenant le cap du pays en matières économique et sécuritaire», souligne l'analyste. Beaucoup d'incertitudes entourent la succession de M.Meles, mais parmi les scénarios avancés figure celui de voir les groupes rebelles qui menacent à la marge le pouvoir depuis des années profiter de la transition pour monter en puissance. Parmi eux, le Front national de libération de l'Ogaden (ONLF), qui réclame l'indépendance de la région de l'Ogaden (sud-est), à majorité somali, et le Front de libération Oromo (OLF) - les Oromo sont l'ethnie majoritaire du pays - qui luttait déjà contre le régime Mengistu. Roland Marchal, du Centre national de la recherche scientifique (CNRS, France), ne voit cependant pas encore se profiler le chaos en Ethiopie. «D'une certaine façon, (les caciques) vont réaliser qu'ils ne peuvent pas casser le jouet que Meles leur a laissé», estime-t-il. L'annonce du décès de M.Meles, très critiqué sur le volet des droits de l'homme, a donné lieu à un flot d'hommages de dirigeants étrangers. Ils ont salué son action économique et son rôle «stratégique» pour la paix entre le Soudan et le Soudan du Sud ou dans la lutte contre les islamistes somaliens. M.Marchal n'attend pas un virage diplomatique, plutôt une «continuité» sur le dossier soudanais et de possibles «nuances» dans les relations avec les voisins ougandais, kenyan et somalien. La plus grande incertitude semble liée à l'Erythrée. L'Ethiopie n'a notamment jamais réglé le différend frontalier à l'origine d'une très meurtrière guerre entre 1998 et 2000 avec son ancienne province, indépendante depuis 1993. Pour M. Mosley, la transition en Ethiopie offre une opportunité de «réconciliation» entre Addis-Abeba et Asmara. Sauf si l'Erythrée ne juge pas dans son intérêt d' «alimenter l'instabilité qui pourrait naître» de cette transition ou qu'Addis-Abeba ne la devance en «intervenant plus fermement en Erythrée».