Un forcing très intéressé est actuellement exercé sur Alger et sur les autres capitales du Maghreb. Après le président du gouvernement espagnol, José Maria Aznar, c'est au tour du président de la République portugaise, M.Jorge Sampaio, de faire lui aussi un voyage à Alger dans le cadre d'une visite d'Etat prévue du 2 au 4 décembre courant, et ce, à l'invitation du Président Abdelaziz Bouteflika. Son voyage coïncidera cependant avec la venue en Algérie le 3 du même mois du secrétaire d'Etat Américain, Colin Powell, en charge d'une mission de sensibilisation et de ralliement des trois pays du Maghreb (Algérie, Maroc, Tunisie) à ce qui est appelé la lutte contre le terrorisme international. Pourtant, les observateurs et les analystes des affaires de la région, s'interrogeant sur le timing et le contexte régional et international de ce chassé-croisé diplomatique intensif, se posent des questions également sur les raisons et les dessous de ce ballet aussi soudain qu'incessant à Alger. Certes, certaines de ces visites étaient programmées depuis fort longtemps autant dans les agendas de ces personnalités étrangères que dans les calendriers de travail des responsables algériens. Ainsi, la virée algérienne de l'Espagnol Aznar entrait, entre autres dans le cadre d'un voyage d'amitié et de consultations politiques de haut niveau et d'une action d'intensification de la coopération économique et commerciale entre les deux pays à la faveur de la mise en pratique du fameux accord d'amitié de coopération et de bon voisinage entre les deux pays. Celle de son voisin ibérique, le Portugais Sampaio, obéit elle aussi à des objectifs similaires «d'examen exhaustif des voies et moyens de renforcer et d'élargir les bases de la concertation politique» ainsi que «les relations d'amitié et de coopération» qui existent entre Alger et Lisbonne. D'ailleurs, comme pour convaincre ses vis-à-vis algériens le président portugais sera accompagné d'une cinquantaine d'hommes d'affaires de son pays et de plusieurs ministres de son gouvernement. Il en va tout autrement pour le secrétaire d'Etat américain qui sera à Alger pour essayer de rallier encore davantage les pays de la région à la politique de Washington en matière de lutte contre le terrorisme et à la conception américaine relative à l'occupation militaire de l'Irak. Curieusement, tous ces va-et-vient diplomatiques surviennent dans un climat de crispation régionale sans précédent entre les acteurs majeurs de la sous-région maghrébine et dans une atmosphère délétère au niveau de la scène Proche-orientale et en Irak avec une montée des périls pour les troupes de la coalition occidentale qui occupent ce pays arabe et musulman. Faut-il aussi rappeler que les deux pays ibériques, l'Espagne et le Portugal, avec la Grande-Bretagne ont été les plus fervents soutiens des faucons américains de la Maison-Blanche qui voulaient sans justificatifs légaux et légitimes faire la guerre à l'ex-régime déchu du président Saddam Hussein? Aussi, les commentateurs des évènements de la région nord-africaine spéculent actuellement sur les non-dits et les faces cachées de ce forcing diplomatique qui s'exerce sur Alger et sur les autres capitales maghrébines (le «pacifiste» Jacques Chirac est en Tunisie et Aznar sera le 8 de ce mois au Maroc). Est-on en train d'essayer quelque part de forcer la main aux pays maghrébins pour les intégrer d'une manière ou d'une autre dans cette coalition occidentale qui est en opération militaire en Irak et dont le moins qu'on puisse dire est qu'elle se trouve dans de mauvais sinon sanglants draps malgré tout l'arsenal militaire déployé? Cela, d'autant plus que la rue et une partie de la société civile arabes se demandent quels intérêts politiques et diplomatiques peuvent tirer certains pays européens de la Méditerranée en s'alignant aussi ouvertement sur les thèses de Washington relatives à l'équation irakienne. Même si c'est pour contribuer à l'instauration de la démocratie à l'américaine dans le monde arabe comme ils le proclament, la rue arabe n'est pas dupe et voit que les Etats-Unis soutiennent dans le même temps que cette profession de foi démocratique, les régimes les plus tyranniques dans la région et dans le monde. La supercherie est incontestable. Il y a tromperie sur la marchandise.