Abdelillah Benkirane, chef du gouvernement marocain Le souverain marocain a subi une attaque frontale sans précédent de la part du Parti islamiste justice et développement (PJD) au pouvoir. Le chef du gouvernement est débordé par l'aile dure de sa formation politique. Pris entre le marteau et l'enclume, Abdelillah Benkirane n'a pratiquement pas de marge de manoeuvre pour satisfaire les protestations de la base de son parti et entretenir des rapports apaisés avec Mohammed VI. La cérémonie de clôture des assises de la jeunesse du Parti islamiste justice et développement qui a été interdite par les autorités officiellement pour «raisons de sécurité» atteste de ce climat délétère qui s'est instauré entre l'entourage du roi et le gouvernement islamiste au pouvoir depuis sa victoire historique aux élections législatives qui se sont déroulées au mois de novembre de l'année dernière. Entre les islamistes radicaux, les jeunes loups du PJD et leur roi, rien ne va plus. Fort de la légitimité tirée de sa victoire du 25 novembre 2011 acquise grâce à une majorité de voix que lui ont accordée les électeurs, le PJD a vu dans certaines décisions émanant du Palais royal une manière d'empiéter sur les plates-bandes du gouvernement. Récemment et suite à de nombreuses plaintes de Marocains résidents à l'étranger rackettés aux frontières lors de leur retour au pays, le roi Mohammed VI a ordonné une série d'enquêtes qui se sont soldées par des sanctions à l'encontre de hauts responsables des Douanes et de la Police. Une initiative vue d'un mauvais oeil par les caciques du PJD. Sont venues juste après se greffer sur ce type de «grief», annonciateur d'une confrontation qui peut déboucher sur une crise politique dont l'embryon ne peut être contesté par personne, la cérémonie d'allégeance au roi et la pratique du baisemain critiquée particulier par les «faucons» du Parti islamiste... Ceux sont des poids lourds de la mouvance islamiste qui sont montés au créneau pour critiquer des traditions séculaires ancrées dans le fonctionnement de la monarchie. Ahmed Raissouni, ancien président du Mouvement unicité et réforme (MUR), considéré comme la matrice du PJD, avait fait feu de tout bois contre ce rituel. Le trône alaouite qui a accusé le coup ne compte pas se laisser submerger par la tempête. La cérémonie de clôture des assises des jeunes du PJD, prévue le 1er septembre à Tanger, a été annulée. Benkirane qui devait intervenir s'est trouvé privé de parole. «Je crains que la décision des autorités soit un acte de vengeance contre les travaux de ce congrès», a fait remarquer Abdelali Hamiddine, membre dirigeant du PJD. «C'est une humiliation pour notre parti et il ne faut pas rester les bras croisés», a estimé Abdelaziz Aftati, député du Parti de la justice et du développement. Le divorce entre le roi du Maroc et son gouvernement islamiste estt-il consommé? «La direction du parti redoute... que sa mauvaise relation avec l'entourage royal, qui n'est d'ailleurs un secret pour personne, n'altère son entente avec le roi lui-même. C'est la raison pour laquelle, Abdelilah Benkirane s'est empressé de présenter ses excuses officielles au souverain lorsqu'il a critiqué, dans des déclarations au quotidien Assabah, le comportement des conseillers du roi», souligne Driss Ganbouri, spécialiste des mouvements islamistes. La cohabitation entre les islamistes et le trône ira-t-elle à son terme? «Dans l'ensemble, le PJD tient à ce que sa relation avec le monarque soit bonne pour au moins réaliser la totalité de leur mandat à la tête du gouvernement», conclut cet expert. Le clash entre Mohammed VI semble bien avoir eu lieu. Reste à savoir s'ils iront au bout de leur aventure...