L'universitaire Hassan Cheikh Mohamoud a été élu, à la surprise générale, nouveau chef de l'Etat somalien Si nombre d'analystes craignaient, avant l'élection, que ne restent au pouvoir les mêmes figures et un même système gangrené par la corruption, le ton était plutôt à l'optimisme hier. Un président atypique a pris hier les rênes de la Somalie, Hassan Cheikh Mohamoud, un universitaire qui a passé des années à tenter de prévenir les combats plutôt que d'y participer, soulevant un timide espoir de voir le pays émerger de 21 ans de guerre civile. Hassan Cheikh Mohamoud, dénué de toute expérience d'exercice du pouvoir, arrive à la tête du pays après une victoire écrasante lundi face à des candidats rodés à la politique somalienne: au second tour, contre le président sortant Sharif Cheikh Ahmed, il a raflé 70% des voix. Si nombre d'analystes craignaient, avant l'élection, que ne restent au pouvoir les mêmes figures et un même système gangrené par la corruption, le ton était plutôt à l'optimisme hier. «Nous avons vraiment vu un vote de parlementaires en faveur d'un changement de direction», note Ahmed Soliman, du centre de réflexion Chatham House. «C'était inattendu, mais nous avons un nouveau speaker (nouveau président du Parlement, élu le mois dernier) et un nouveau président qui ont tous les deux montré leurs compétences sur les 10 à 15 dernières années.» Le ton est doublement optimiste car ce changement s'opère quand, pour la première fois depuis la chute du dictateur Mohamed Siad Barre en 1991, le pays a officiellement renoué avec des institutions stables: au terme d'un processus parrainé par l'ONU, les autorités de transition somaliennes ont laissé la place à des autorités censées être pérennes. Spécialiste de l'éducation, Hassan Cheikh Mohamoud a co-fondé un institut de formation, collaboré avec le Fonds des Nations unies pour l'enfance (Unicef), le Programme des Nations unies pour le développement (Pnud) et travaillé comme chercheur sur la résolution des conflits. Il a acquis une importante expérience de terrain dans une Somalie en état de guerre civile, sans institutions solides ni Etat effectif depuis 1991. «Il travaille à Mogadiscio depuis 20 ans», souligne Abdirashid Hashi, analyste à l'International Crisis Group. «Il sent bien le terrain». «Les parlementaires l'ont élu parce qu'il était la voix du peuple», dit aussi un député, Abdi Hashi Abdullahi. «Il n'est pas arrivé avec un ordinateur portable comme ceux de la diaspora», lâche encore un vendeur de rue à Mogadiscio, Hassan Abdi. Même les insurgés islamistes shebab, ennemis jurés des ex-autorités de transition, semblent épargner le nouveau président. Les rebelles ralliés à Al Qaîda ont certes fustigé le processus qui a mené à son élection, selon eux piloté par les «ennemis» extérieurs de la Somalie. Mais leur porte-parole, Ali Mohamoud Rage, a souligné que le mouvement n'avait «rien de personnel» contre Hassan Cheikh Mohamoud. Le ton change: les shebab voyaient un traître en Sharif Cheikh Ahmed, qui dirigea une rébellion islamiste avant de prendre la tête des autorités de transition en 2009. Certains shebab «pourraient voir dans (le nouveau président) une raison de changer de position», estime Abdirashid Hashi. Or, «pour une paix durable (...) les shebab doivent être inclus dans un futur dialogue», renchérit Ahmed Soliman. «Si Hassan Cheikh Mohamoud peut entretenir de bons rapports avec les shebab et les amener à la table du dialogue, ce sera une étape positive», poursuit-il, rappelant que sous les autorités de transition, ce rapprochement avait été découragé par Washington, Londres et l'ONU. Mais malgré l'espoir suscité par son élection, la tâche qui attend le nouveau président reste immense, dans un pays en guerre, dont les institutions sont en ruine et la société fragmentée.