Le directeur de la Bibliothèque nationale «Si on s'était contenté» de le tourner en Algérie, le feuilleton serait passé sous silence. Or, il a été diffusé par plus de 24 chaînes télé dans le monde et aujourd'hui, le nom de Fatma N'soumer est désormais connu...» Azzedine Mihoubi, actuel directeur de la bibliothèque d'El Hamma, a animé avant-hier une conférence à la médiathèque de l'établissement Arts et Culture sur le thème «La littérature et sa relation avec le théâtre et le cinéma.» Si le cinéma américain ou européen est rempli d'exemples d'adaptation de livres au cinéma (Harry Potter) ou au théâtre (Shakespeare, Tolstoï etc) ou encore de feuilletons télé égyptien, adaptation de best-seller de roman à succès comme Imarat Yagoubian, le cinéma algérien, lui, fait peu ou prou appel à l'écriture littéraire pour l'adaptation cinématographique, regrettera Azzedine Mihoubi. Le scénariste a deux configurations, soit la fidélité au texte ou bien l'adaptation libre. En Egypte, la littérature selon lui, contribue à l'essor du cinéma car la plupart des gens auront lu ces livres avant de les voir en feuilleton par exemple. En Algérie, c'est un fait rare sauf exception en citant notamment Le vent du sud d'après l'oeuvre de Benhadouga et La Colline oubliée de Mouloud Mammeri qui ont été adaptés au cinéma. Il rappellera à notre mémoire le célèbre El Harik, de Mustapha Badie d'après la trilogie de Mohamed Dib. Mais si ailleurs cela se renouvelle constamment, chez nous cela reste un fait rare et notamment l'adaptation sur les planches de L'Attentat de Yasmina Khadra par Mourad Senouci. Des productions artistiques qu'on remet vite au tiroir dénonce t-il. Et de se demander pourquoi nos cinéastes ne se rapprochent-ils pas assez ou pas du tout des auteurs de nouvelles ou de roman. «Les cinéastes, les boîtes de production audiovisuelle doivent se mettre en contact avec nos auteurs. Est -ce à dire alors qu'ils ne lisent pas ou ils ne font pas confiance en l'auteur algérien?» Car, dira t-il plus loin «c'est faux de dire que le texte manque. Que nos cinéastes fassent un travail d'investigation, qu'ils aillent notamment à Bechar et se rendront compte de la richesse de nos oeuvres qui traduisent très bien la réalité et le vécu algérien. Ils ne sont donc pas au courant de ce qui s'édite en Algérie?». Ce fait que notre conférencier qualifie de «rupture» existe bel et bien chez nous entre ces trois disciplines citées plus haut. M.Mihoubi exhortera ainsi nos dramaturges et cinéastes d'avoir de l'audace en allant voir ces gens-là et vice versa. Pour lui, «ceci est la résultante de la mauvaise qualité de la production». Et après, on commence à accuser la télé.. or il y a de très bons romans sur le marché qui traitent de l'histoire, du patrimoine, de l'idéologie, du parcours politique de certaines personnalités historiques. On peut y piocher de très bons scenarios. La solution? Il faut monter aussi des ateliers d'écriture et pousser la rencontre de ces trois antagonistes.» M. Azzedine Mihoubi confiera avoir eu avant d'endosser la responsabilité de ministre de la Communication le projet de lancer une banque de données qui aurait pu servir à ficher tous les textes à même de soutenir le cinéma. Style, les livres qui traitent des moujahidate, sait-on jamais qu'un cinéaste aurait eu l'envie un jour de faire un film sur ces femmes martyrs. Mais cela n'a pu aboutir, hélas! Il prendra comme exemple aussi le dernier film de Merzak Allouache Le Repenti inspiré d'un fait divers. Evoquant son travail scénaristique sur le film Zabana! de Saïd Ould Khelifa, il dira l'avoir écrit d'après sa vision esthétique à lui et les informations récoltées. Revenant sur la polémique du feuilleton Fatma N'soumer qui a défrayé la chronique en 2003, tourné en Syrie et dont le scenario lui est revenu, ce dernier fera remarquer en guise de défense que les Egyptiens ne s'étaient pas offusqués quand c'était une Américaine en la personne d' Elizabeth Taylor qui endossera le rôle de Cléopâtre. Tout en affirmant respecter la vérité historique de chaque pays et sa culture, notre conférencier dira que dans ce cas il aurait fallu peut-être faire parler tout le monde pas seulement en amazigh mais en français, arabe et turc tout comme Cléopâtre devrait parler le pharaonien ancien. Ce qui est cinématographiquement parlant impossible car ce qui compte d'abord est de faire passer la parole au public pour que le film soit compris par tous, autrement c'est une affaire de communication avant tout et de professionnalisme surtout. «D'ailleurs, pour écrire le scénario on s'est basé sur les archives françaises. Si on s'était contenté de le tourner en Algérie le feuilleton serait passé sous silence. Or, le feuilleton a été diffusé dans plus de 24 chaînes télé dans le monde et aujourd'hui le nom de Fatma N'soumer est désormais connu. On a fait ce qu'on a pu avec les infos qu'on a pu récolter.»