Après la mafia du foncier, celle de la drogue et du trafic de véhicules, Oran est-elle en train de voir naître la mafia du manuel scolaire ? Les écoliers ont du mal cette année à trouver les livres scolaires, c'est l'avis de bon nombre d'enseignants et de parents qui n'arrivent pas à comprendre la situation de paradoxe qui s'est installée à Oran au vu et au su de toutes les autorités locales. Paradoxale, il faut en convenir, cette situation qui a fait qu'au moment où les livres scolaires ne sont pas disponibles au niveau des écoles, ils se négocient au prix fort au marché de M'dina Jdida et dans d'autres quartiers populaires de la ville d'Oran. Les responsables des établissements scolaires qui avaient au début de l'année réclamé des sommes d'argent aux élèves pour l'achat des livres n'arrivent pas à comprendre cette crise qui a frappé les manuels du cycle primaire. «On avait cru à un retard des approvisionnements au début, mais force est de constater qu'il y a un hic quelque part», dira un directeur d'école qui précisera que pour ses propres enfants, il a été contraint d'acheter des livres au marché de M'dina Jdida. Les marchands ambulants au niveau des marchés proposent ces manuels à des prix qui frisent l'indécence. A titre indicatif, le livre de mathématiques ou de technologie de première année primaire est cédé à 250 DA alors que son prix officiel est de 120 DA ! Mieux encore, ces livres sont neufs et disponibles en quantité au niveau de ces lieux commerçants. Les marchands ambulants qui proposent ces manuels sont peu prolixes quand il s'agit de l'origine de leurs sources d'approvisionnement. Ils vous diront simplement que dans ce trafic existent plusieurs relais pour expliquer les prix prohibitifs qu'ils affichent. Au niveau de la Direction de l'éducation, une source qui a requis l'anonymat nous a dirigé vers la direction régionale de l'IPN, seul organe chargé de l'édition et de la distribution des manuels scolaires. Sur les lieux, une marée humaine fait la queue dans l'espoir d'acquérir ces supports pédagogiques. Une source nous précisera que s'il y a trafic, il faut voir au niveau des établissements ou auprès de certains individus qui se font passer pour des parents d'élèves dans l'espoir d'obtenir ces livres au prix officiel pour les proposer aux marchands ambulants. «Nous avons aussi une vocation commerciale et nous ne vendons des livres aux particuliers qu'après avoir satisfait la demande des établissements scolaires», nous dira un employé au niveau de l'IPN. Dans certaines écoles, il arrive que 10 élèves se relaient sur le même livre pour faire la lecture alors que dans d'autres, - y compris les enseignants -n'ont pas réussi à obtenir les manuels qui leur sont nécessaires pour assurer leurs cours. «Il existe sûrement un réseau spécialisé dans le trafic des manuels scolaires, car aucune explication logique ne peut justifier la situation que nous vivons cette année à Oran», dira un parent d'élève qui précisera qu'il est anormal que des quantités aussi importantes de manuels scolaires soient proposées à la vente hors des circuits habituels de distribution au moment où les écoles connaissent une crise. Après la mafia du foncier, celle de la drogue et du trafic de véhicules, Oran est-elle en train de voir naître la mafia du manuel scolaire? Une question qui mérite une réponse de la part des instances chargées du secteur, mais en attendant, les élèves aussi bien que les enseignants continuent de souffrir le martyre.