Des témoignages font état de pressions physiques et mentales excessives sur des détenus Alors que le Maroc vient d'être épinglé à plusieurs reprises sur la question des droits de l'homme, 14 prisonniers sahraouis ont été condamnés à des peines de prison allant de 8 mois à 3 ans. La fièvre s'est emparée du Sahara occidental. L'événement marquant de ces derniers jours sur le plan diplomatique en ce qui concerne le dossier sahraoui restera certainement la rencontre entre le ministre espagnol des Affaires étrangères et l'envoyé spécial de l'ONU pour le Sahara occidental à qui Rabat avait retiré sa confiance. Que se sont dit les deux hommes pendant cette rencontre qui a eu lieu en marge des travaux de la 67e Assemblée générale de l'ONU? Le chef de la diplomatie espagnole, «a loué le travail accompli par l'ambassadeur Ross, faisant le point avec lui sur l'évolution du conflit et les positions des différentes parties», a rapporté sur son site le média ibérique el Economista. «Le temps est désormais propice pour marquer une nette avancée sur la voie de la solution au Sahara», a affirmé José Manuel Garcia-Margallo à Christopher Ross tout en lui signifiant qu'il est dorénavant «dépositaire de plus de marge de manoeuvre pour créer une solution politique durable, équitable et mutuellement acceptable par tous, telle que la souhaite le gouvernement espagnol». Prise au pied de la lettre, une telle déclaration est tout simplement annonciatrice d'un retour prochain du diplomate américain qui n'a pas été lâché par le Secrétaire général des Nations unies ainsi que par les Etats-Unis qui lui avaient réitéré leur soutien. L'Espagne, qui porte une responsabilité historique dans le conflit du Sahara occidental, abonde dans le même sens. «L'Espagne en tant que membre du Groupe des Amis du Secrétaire général pour le Sahara occidental, réitère son soutien au SG de l'ONU et son envoyé personnel pour le Sahara occidental, Christopher Ross», a souligné le président du gouvernement espagnol, Marieno Rajoy, qui a réaffirmé, dans son allocution devant la 67e Assemblée générale de l'ONU, l'engagement de son pays «en faveur d'une solution juste et durable et mutuellement acceptable au Sahara occidental qui consacre le droit du peuple sahraoui à l'autodétermination, conformément aux principes de la Charte des Nations unies». Des soutiens indéniables à la cause sahraouie qui interviennent dans le sillage de visites répétées d'associations, de délégations et d'organisations internationales de défense des droits de l'homme au Maroc et au Sahara occidental. Le Makhzen épinglé La première salve a été tirée par le Centre Robert Kennedy pour la Justice et les droits de l'homme (RFK Center) dont une délégation a séjourné au Sahara occidental et dans les camps de réfugiés sahraouis du 25 au 31 août. Elle y a recueilli des témoignages accablants qui attestent de la pratique de la torture et de la violence. Son rapport fait état de cas de disparitions, de torture, de détentions arbitraires, de menaces, d'exécutions extrajudiciaires... par les forces d'occupation marocaines. Le rapporteur spécial de l'ONU a, quant à lui, évoqué des «témoignages crédibles faisant état de pressions physiques et mentales excessives sur des détenus au cours d'interrogatoires», lors de la visite qu'il a effectuée au Maroc et au Sahara occidental entre les 15 et 22 septembre 2012. «Il ne devrait pas être surprenant que des actes équivalant à la torture soient commis à l'occasion d'événements particulièrement intenses, tels que des grandes manifestations, perçues comme une menace à la sécurité nationale», a ajouté le diplomate onusien d'origine argentine Juan Mendez, lors de la conférence de presse qu'il a tenue, au terme de sa mission, à Rabat. Tandis qu'une délégation de la Commission africaine des droits de l'homme et des peuples (Cadhp) qui s'est rendue à Boujdour pour y rencontrer des familles des disparus sahraouis et des victimes de l'agression marocaine, a collecté des témoignages «poignants» qui font état de la pratique de la torture contre des Sahraouis détenus dans les prisons marocaines. Des rapports qui ternissent l'image du Maroc en matière du respect des droits de l'homme mais qui ne semblent pas pouvoir le faire reculer sur le plan de sa politique de répression dans les territoires occupés du Sahara occidental où il est interdit de se prononcer en faveur de l'autodétermination du Sahara. 14 prisonniers sahraouis viennent donc de faire les frais. Ils ont été condamnés le 25 septembre par le tribunal d'El Ayoun, à des peines de prison allant de 8 mois à 3 ans. La France et l'ONU interpellés Dans cette bataille du respect des droits de l'homme qui est en train de tourner à l'avantage du Front Polisario, la question sous-jacente de doter la Minurso, Mission des Nations unies pour l'organisation d'un référendum au Sahara occidental, d'un mécanisme de surveillance de ce type est devenue incontournable. Soutenu par certains pays membres du Conseil de sécurité dont la France, Rabat n'en veut pas en entendre parler. L'Association des Amis de la Rasd (Aarasd) milite pour faire plier Paris et ne désespère pas de voir le mandat de la Minurso s'élargir à la protection des droits de l'homme dans les territoires occupés. C'est «d'abord à la France de bouger et de lever son veto» au Conseil de sécurité qui empêche la Minurso d'être dotée de ce mécanisme souligne l'Aarasd qui s'est appuyée sur le rapport de Juan Mendez, le rapporteur spécial de l'ONU sur la torture et autres traitements cruels, inhumains ou dégradants, pour défendre sa position. Le contrôle des droits de l'homme par les Nations unies dans le Sahara occidental est «indispensable», a indiqué de son côté la présidente du Centre Robert F.Kennedy. «Les Nations unies et la France peuvent consentir des efforts pour sortir la question sahraouie de la situation de gel qu'elle traverse», a déclaré Kerry Kennedy dans un entretien au journal marocain «Maroc Hebdo». Les autorités marocaines y prêteront-elles une autre oreille au règlement du conflit du Sahara occidental? «Le Sahara est une priorité en politique étrangère marocaine. Soit on est interpellé, soit on explique la position du Maroc, qui repose sur la dynamique des négociations, selon des paramètres clairs du Conseil de sécurité de l'ONU, à savoir l'esprit du compromis, la négociation et le réalisme» a déclaré le 27 septembre, sur les ondes de Medi 1, Youssef Amrani le ministre marocain délégué aux Affaires étrangères et à la Coopération.