L'ouverture de ce premier grand procès survient dans un climat de tension sans précédent depuis la fin de la crise, après une vague d'attaques meurtrières contre l'armée en août. Le général Brunot Dogbo Blé, pilier de l'appareil sécuritaire du régime de l'ex-président ivoirien Laurent Gbagbo, et d'autres officiers comparaissaient hier à Abidjan dans le premier grand procès militaire lié à la sanglante crise post-électorale de 2010-2011. «Les grands procès de la République s'ouvrent», commente mardi le quotidien d'Etat Fraternité-Matin. Pour ce premier procès d'envergure organisé par la justice militaire, et qui doit démarrer dans le courant de la journée, le palais de justice du Plateau (centre), quartier du pouvoir et des affaires, était entouré d'un important dispositif de sécurité. Le général Dogbo Blé et d'autres officiers doivent être jugés pour des crimes de sang. Au total, selon le procureur militaire Ange Kessi, une quarantaine de militaires pro-Gbagbo seront prochainement jugés dans une série de procès, notamment pour séquestration suivie de meurtre, viol, vol, détention arbitraire, détournement de fonds et formation de miliciens. Chef de la redoutée Garde républicaine sous la présidence Gbagbo, le général Dogbo Blé a été l'un des hommes forts du régime tombé le 11 avril 2011 après quatre mois d'une crise ayant fait quelque 3.000 morts. Laurent Gbagbo refusait de reconnaître sa défaite à la présidentielle de novembre 2010 face à Alassane Ouattara. Le haut gradé avait été arrêté le 15 avril 2011 à Abidjan et est détenu depuis lors. Il est inculpé de plusieurs crimes par la justice militaire, mais aussi de génocide par la justice civile. Le procureur militaire a annoncé lundi qu'il est également, avec deux autres officiers, inculpé de complicité d'assassinat du général Robert Gueï, ex-chef de la junte, tué le 19 septembre 2002, jour d'un coup d'Etat raté contre M. Gbagbo qui a été suivi de la prise du nord du pays par une rébellion. De son côté, l'ex-chef de la sécurité rapprochée de l'ancienne Première dame Simone Gbagbo, le commandant Anselme Séka Yapo, dit «Séka Séka», a été inculpé de l'assassinat du général Gueï. L'ouverture de ce premier grand procès survient dans un climat de tension sans précédent depuis la fin de la crise, après une vague d'attaques meurtrières contre l'armée en août, dans lesquelles les Forces républicaines (FRCI) ont perdu une dizaine d'hommes. Ces opérations ont été imputées par le pouvoir à des partisans de l'ex-président Gbagbo, ce que le camp Gbagbo récuse, et ont été suivies d'arrestations de figures de l'opposition. Laurent Akoun, secrétaire général du parti de M.Gbagbo, le Front populaire ivoirien (FPI), a été condamné à six mois de prison pour trouble à l'ordre public, et le porte-parole en exil de l'ex-président, Justin Koné Katinan, a été arrêté au Ghana où il est visé par une procédure d'extradition. De nouvelles attaques ont fait sept morts à Abidjan et à la frontière avec le Ghana les 20-21 septembre. Le régime Ouattara est régulièrement accusé ou soupçonné de pratiquer une «justice des vainqueurs» par l'opposition mais aussi par des ONG internationales: aucune figure de son camp n'a été pour l'instant inquiétée pour des crimes commis durant la crise. Or, selon un rapport d'une commission d'enquête mise en place par le pouvoir, lui-même, ses forces armées sont responsables de la mort de plus de 700 personnes. Les forces pro-Gbagbo sont accusées d'avoir fait deux fois plus de victimes, sur un bilan total évalué à environ 3.000 morts. Soupçonné par la Cour pénale internationale (CPI) d'être «coauteur indirect» de crimes contre l'humanité commis pendant la crise, Laurent Gbagbo, arrêté le 11 avril 2011 à Abidjan, est détenu depuis fin 2011 à La Haye. Une vingtaine de personnalités de l'ancien régime, dont Mme Gbagbo, et des dizaines d'autres personnes de leur bord sont actuellement détenues en Côte d'Ivoire.