Cette sortie est-elle destinée à relancer l'initiativede Abassi Madani ? Cette initiative avait été abordée dans l'entretien accordé par le numéro un de l'ex-FIS sur la chaîne arabe Al Jazira, qui émet à partir du Qatar. Il avait affirmé au cours de l'émission que les forces qui comptent en Algérie, à savoir la présidence, l'armée, mais aussi les partis politiques avaient été destinataires d'une copie de cette initiative, dont il avait refusé de dévoiler le contenu, se contentant d'insister sur les préalables à sa mise en oeuvre, et qui sont la libération de tous les prisonniers, y compris les détenus de droit commun même si ce sont de grands criminels. La levée de l'état d'urgence. Le règlement de la question des disparus. Après cette déclaration, Abassi Madani a essuyé une salve de démentis émanant des institutions ou des partis visés. Ainsi donc, aussi bien l'armée par la voix du responsable de la communication au niveau du ministère de la Défense nationale que les partis politiques ont démenti avoir pris connaissance à quelque titre que ce soit du document de M.Abassi Madani. Ses propres compagnons au sein de l'ancien majliss echoura du FIS ont affirmé n'avoir pas été associés à la rédaction de ce document et disent n'être pas au courant de son existence. Cela a été le même son de cloche de la part des représentations de l'ex-FIS à l'étranger. La conclusion que les observateurs en ont tiré c'est que Abassi Madani fait cavalier seul dans cette affaire. De là à dire qu'il avait raté sa sortie médiatique, il n'y avait qu'un pas. S'il avait fallu obtenir un passeport, se déplacer jusqu'à Kuala Lumpur puis au Qatar pour un tel résultat, ce n'était pas brillant. Et surtout passer, à une heure de grande écoute, sur une chaîne satellitaire arabe qui a damé le pion à CNN, le jeu n'en valait vraiment pas la chandelle. Et voilà que M.Ksentini prend tout le monde de court en disant qu'il a été l'interface entre Abassi Madani et la présidence. On entre subitement par effraction dans les arcanes de la vie politique algérienne, où les zones d'ombre sont plus nombreuses que les clairs-obscurs. Pourquoi M.Ksentini a-t-il parlé et pourquoi maintenant? Pourquoi surtout avoir choisi la Journée internationale des droits de l'homme pour dévoiler ce plan? Enfin ce plan a-t-il quelque rapport avec les manoeuvres en cours autour de la préparation de l'élection présidentielle? Il est malheureux de le constater, mais cette échéance, qui normalement doit être préparée dans la sérénité, est en train de brouiller toutes les cartes en Algérie. Elle est surtout en train de faire sortir les loups du bois! C'est comme s'il y avait deux Algérie: d'un côté celle qui combat le terrorisme dans les montagnes et les maquis et ne lui laisse aucun répit, refuse d'agréer un syndicat des enseignants sous prétexte qu'il serait un nid d'anciens du SIT, déclare sans ambages que le FIS dissous par une décision de justice, c'est de l'histoire ancienne, et de l'autre, il y a celle qui essaie de faire fructifier le formidable vivier électoral que représente la base islamiste, toutes tendances confondues, en jouant sur la fibre et sur les slogans qui lui sont chers. Dans cette histoire, quel rôle joue M.Ksentini: celui de M.Bons offices ou celui de sous-marin? La question qui se pose maintenant est de savoir quelle suite donnera la présidence à la révélation faite par M.Ksentini. La fameuse initiative sera-t-elle finalement rendue publique, dans ses différents volets et chapitres? Connaîtra-t-on le fin mot de l'affaire? Les préalables exigés par M.Abassi Madani seront-ils exaucés? S'il est possible de lever l'état d'urgence, ce qui est du reste exigé par l'ensemble des partenaires politiques, on voit mal le président libérer tous les prisonniers, y compris les grands criminels. Quant à la question des disparus, M.Ksentini lui-même est en train de se pencher sur la question. Enfin, ce n'est pas la première fois que M.Ksentini joue les interfaces entre la présidence et les partenaires politiques ou le mouvement associatif, sur la question épineuse des disparus entre autres. A ce sujet, M.Ksentini a déclaré que cela traduit la détermination de l'Etat à assumer pleinement ses responsabilités en tant que garant des personnes et des biens. Par cette révélation, M.Abassi Madani ne sera plus condamné à soliloquer sur les ondes des chaînes satellitaires. Son initiative pourrait finalement arriver à bon port, et si l'institution militaire, qui a promis de ne plus se mêler de politique, a poliment renvoyé la balle à son envoyeur, la présidence se présente désormais comme le maître d'oeuvre d'une politique de concorde à laquelle M.Madani veut apporter sa touche, voire sa...pierre.