Un imam salafiste, Nasreddine Aloui, a appelé les jeunes tunisiens à préparer leurs «linceuls» pour lutter contre les islamistes au pouvoir lors d'une émission télévisée jeudi soir face à deux ministres, deux jours après des violences meurtrières. «J'ai préparé mon linceul après la mort de deux martyrs et j'appelle les jeunes du réveil islamique à faire de même car le mouvement (islamiste) Ennahda et d'autres partis politiques veulent des élections sur les ruines et les cadavres du mouvement salafiste», a-t-il lancé à l'antenne Ettounsiya, brandissant un drap blanc à la caméra. Nasreddine Aloui est le nouvel imam de la mosquée Ennour dans la banlieue tunisoise de la Manouba. Son prédécesseur est l'un des deux militants salafistes tués par les forces de l'ordre mardi en riposte à une attaque contre deux postes de la garde nationale. «Je vais faire la guerre à ces gens là car le ministre de l'Intérieur et les dirigeants d'Ennahda ont choisi les Etats-Unis comme leur bon dieu, ce sont (les Américains) qui écrivent les lois et préparent la nouvelle Constitution», a-t-il martelé à l'antenne où il était en duplex. Les ministres des droits de l'Homme, Samir Dilou, et de l'Intérieur, Ali Larayedh, tous deux issus du parti Ennahda au pouvoir, étaient sur le plateau et lui ont donné la réplique. «Ce genre de discours est en partie responsable du sang versé, tu ne réalises pas que tes mots sont comme des balles. Je suis surpris de ton refus de l'autre», a lancé M. Larayedh. «Tu n'es pas digne d'être un imam, ce discours est de l'incitation à la haine», a dit M.Dilou. Abou Iyed, qui se pose en porte-parole du principal groupe salafiste tunisien «Ansar al-chari'â», a voulu tempéré les propos de l'imam, assurant que la Tunisie n'étant pas une terre de guerre sainte. «La Tunisie est une terre de prédication et non de jihad», a-t-il dit hier à l'antenne de la radio Express-FM, tout en soulignant que «le mouvement salafiste est victime d'une répression systématique». «On doit prendre en compte la situation psychologique de nos frères (tel l'imam de la mosquée Ennour) parce qu'ils ont eu deux martyrs», selon lui. Le ministre des Affaires religieuses, Noureddine El Khadmi, a rejeté lors d'une conférence de presse l' «appel à la violence» et relevé que l'imam n'avait pas été nommé par son ministère et dès lors était dans l'illégalité. Selon le ministère des Affaires religieuses, une centaine de mosquées tunisiennes sont sous le contrôle d'islamistes radicaux. Ennahda a promis de serrer la vis face aux salafistes jihadistes après une série de violences, parfois sanglantes, orchestrées par cette mouvance rigoriste de l'islam sunnite et alors que l'opposition accuse le gouvernement de laxisme à l'égard des extrémistes.