Il faut rendre justice à ce grand homme Ce livre a été récemment présenté au Salon international du livre d'Alger. L'auteur, signalons-le tout de suite, n'est pas à son premier ouvrage. Longtemps avant qu'il ne prenne sa retraite, il y a de cela une douzaine d'années, en collaboration avec Yacef Saâdi, il avait publié trois tomes d'une saga meurtrière entièrement dédiée à la capitale algérienne en guerre contre les paras de Massu, appelés d'urgence en renfort après leur cuisant échec à Port-Saïd (Egypte). Et ce fut «La bataille d'Alger». Depuis, sans être un tâcheron forcené de la chose écrite, il s'est appliqué à revivifier l'histoire de son pays en lui consacrant un autre ouvrage mû, pour l'occasion, par le souci de rectifier la bourde «historique» qui caractérisa les préparatifs de ce que le gouvernorat du Grand-Alger de l'époque avait appelé le «millénaire de Djezaïr des Béni-Mezeghenna». C'est pour dénoncer le poids exercé par la bureaucratie sur l'Histoire qu'il écrivit ce livre qu'il intitula: «Alger-Trente deux siècles d'histoire.» Un ouvrage qui, depuis sa sortie en 2001, a été réédité plus de 6 fois et est toujours recherché dans les librairies. Pour autant, il ne s'arrêtera pas en si bon chemin. Après une riche carrière de journaliste d'investigation dans la presse écrite, il s'est intéressé à un moment donné à la radio et à la télévision sans jamais rompre avec l'écriture, son bonheur suprême. Parmi ses autres titres, il serait dommage de ne pas citer «Un Algérien, ami d'Al Capone», une épopée qu'il prit l'initiative de dépeindre à l'époque fiévreuse où l'Algérie essayait de placer son pétrole aux Etats-Unis, en s'appliquant à mettre en relief, sous un éclairage a giorno, les aspects les plus obscurs des tractations souterraines autour du marché gazier international. Le tout soutenu par une saga où un Algérien natif de Mostaganem vers 1915, arrive à New York pour assister à la montée en cadence de la mafia et notamment l'ascension d'Al-Capone au sein du maillage crapuleux tissé par les grandes familles siciliano-calabraises dans les grandes villes des Etats-Unis d'Amérique. Ce livre avait été publié par le journal Le Soir d'Algérie en feuilleton durant deux mois de suite à l'époque où ce quotidien cherchait à se ménager une place au soleil dans le panorama médiatique qui venait de naître. Aux dernières nouvelles, on a appris que des éditeurs cherchent aujourd'hui à le rééditer. Plus près de nous, Hocine Mezali qui ne s'est jamais départi de son profond intérêt pour l'histoire de son pays, a également publié «La tentation du double jeu», un ouvrage traitant des dérives qui ont marqué la Fédération de France du FLN au fil de son histoire dont une en particulier: la trahison (collaboration avec la DST notamment) et détournement de fonds commis plusieurs fois de suite par un chef de wilaya - nommé Mourad dans le livre - qui tombera du haut de son piédestal après une enquête diligentée par le directoire de la Fédération de France qui, en fin de compte, parviendra à établir sa culpabilité avant de le condamner. «La tentation du double jeu» tombait alors à point nommé pour dénoncer du même coup et, pour la première fois, les dérives du discours du premier chef d'Etat bien aimé de l'Algérie indépendante qui avait jeté spontanément l'opprobre sur les responsables de la Fédération de France du FLN, en les accusant de détournement d'un montant s'élevant à plusieurs millions de dollars. Accusation qui, évidemment, n'a jamais été démontrée. Hocine Mezali nous livre aujourd'hui un nouvel ouvrage de 300 pages dans lequel il traite, avec une profonde sagacité, les aspects ignorés, sinon les plus méconnus de la saga des AML (Amis du Manifeste et de la Liberté) qui devait aboutir à la grande rupture morale et intellectuelle du peuple algérien d'avec le colonialisme français. Il nous plonge au coeur du débarquement anglo-américain en Afrique du Nord où, aussi bien à Casablanca, Tunis ou Alger, les Américains, grâce à Robert Murphy, l'envoyé personnel du président Roosevelt, avaient plus ou moins réussi à nouer des relations avec les mouvements politiques locaux pour tenter de comprendre sinon de s'informer sur les ravages du colonialisme dans cette région du monde. Mais pas seulement. Car l'auteur ne s'est pas contenté de narrer superficiellement les évènements mais est allé au fond des choses. Ainsi, il nous entraîne avec lui dans le dédale et les pressions et les conditions au sein desquelles Ferhat Abbas a élaboré, dans la solitude de son appartement de la Rue Sillègue à Sétif, le Manifeste du peuple algérien et les dérives langagières qu'il a suscitées dans le microcosme politico-administratif algérois. Parmi ses contempteurs il y a eu non seulement et, comme à l'accoutumée, les éternels provocateurs du Parti communiste algérien mais aussi l'historien attitré et néanmoins talentueux Charles André Julien, ce qui a néanmoins étonné Abbas à l'époque. Une chose est cependant sûre, cette fois encore, Hocine Mezali ne nous décevra pas. Essayiste et observateur scrupuleux des us et coutumes de la société algérienne depuis une cinquantaine d'années, il nous invite à travers son prochain ouvrage à entrer à l'intérieur des frontières d'un pays que les Algériens connaissent fort bien à savoir: la France des années 1950-60. Mais contrairement à ses précédentes livraisons, son prochain produit sera un roman. Enfin, à l'approche de ses années les plus fringantes et forcément les plus productives, l'auteur se serait-il résolument décidé à abandonner l'inépuisable domaine de l'histoire pour se consacrer exclusivement au roman? Rien n'est moins sûr. En attendant, nous nous sommes promis de lui poser quelques questions sur la trajectoire qui l'a conduit du plus professionnel des journalismes d'investigation au roman.