Selon Goethe, «celui qui connaît son passé se connaît». Cette maxime, Hocine Mezali la fait sienne pour mieux appréhender notre histoire avec ses moments forts et ses défaillances. Une incursion dans notre mémoire collective permet de reconstituer ce passé élogieux mis sous le boisseau à une période donnée. Le revisiter et le reconstituer est une priorité de tout historien qui se doit de dire avec objectivité et impartialité toutes les zones d'ombre et défectuosités. C'est par la reconnaissance de son passé que s'affermit la personnalité de tout citoyen, et l'on se targue de son pays et de ses valeureux militants. L'auteur, qui a compris cet intérêt, s'ingénie à le faire comprendre et à le prendre en compte en raison de sa grande portée et de sa résonance. Une consonance qui, au fil du temps, s'est bonifiée et a permis d'écrire de belles et glorieuses pages d'histoire. Hocine Mezali nous livre dans cet entretien sa prédilection pour le registre historique dont l'importance est cardinale pour notre avenir. Pourquoi avoir abordé le thème de la Fédération de France ? Est-ce par un souci de devoir de mém oire ? Mezali : J'ai tendance à appréhender le registre de l'histoire. D'ailleurs, mes écrits gravitent autour de ce thème notamment avec Alger 32 siècles d'histoire et sur la guerre de Libération nationale avec ce récent ouvrage La tentation du double jeu. Je me sens impliqué car je connais la Fédération de France à Lille, Roubaix et Tourcoing avec cette histoire de Mourad, ce responsable du directoire de la Fédération de France. C'est aussi par devoir de mémoire vu que ce sujet intéresse plus les Algériens que la Fédération de France qui était le trésor du FLN. Pourquoi avoir opté pour ce registre historique ? Je dirai cet adage «C'est le fond qui manque le moins» pour expliquer ce choix. L'histoire est un aspect que les Algériens ignorent ainsi que leur passé qui reste délicat et pour lequel il faut un travail approfondi. Nous courons après notre passé pour reconstituer notre personnalité. L'important est de revisiter ce passé que nous ignorons. Il est temps de faire cette histoire en remontant le plus loin possible. C'est notre avenir moral et intellectuel. Notre histoire a été écrite par des étrangers, et nous sommes passifs sans esprit critique. Aussi, à l'heure actuelle, il est temps d'écrire pour aller à la rencontre de notre passé. L'écriture de cet ouvrage La tentation du double jeu a-t-elle nécessité une importante documentation basée sur des archives ? Effectivement, ce travail est puisé d'un fonds d'archives de la Fédération de France et de celles du FLN. Dans ces archives, on retrouve des rapports analysés et lus et des témoignages de détenus qui étaient dans des prisons de France et qui avaient des soupçons sur Mourad comme dénonciateur. Ce dernier était depuis 1959 militant puis chef de wilaya. Il y a eu un accroc, et Mourad est tombé aux mains de la DST qui l'a fait chanter, et de ce fait il a dû collaborer avec elle. Ce travail d'archives et d'investigations m'a pris trois années. J'ai fait appel à d'anciens responsables au plus haut niveau pour recouper les informations qui étaient sous forme de témoignages. Pourquoi avoir fait des révélations sur cette famille Benguedih en discréditant un de ses membres ? C'est une famille respectable de militants dans la région de Lyon qui n'a pas failli à sa mission. En ce qui concerne le nom d'un de ses membres, ce sont des témoignages qui me l'ont révélé, et je n'ai pas fait d'autocensure. Pour l'objectivité du texte général qui, en fin de compte, m'a été livré par des témoignages de détenus, je ne pouvais pas taire ces révélations. Y a-t-il d'autres projets en cours ? Le projet en cours est l'écriture d'un livre sur Ferhat Abbas et le rôle majeur qu'il a joué dans les Amis du manifeste de la liberté (AML). C'est un travail qui m'a pris cinq ans. J'ai compulsé des archives inédites découvertes durant les années 1970. C'est un document collectif sur les AML effectué par des militants qui étaient partie prenante. En outre, j'adore ce personnage, cette éminente figure du nationalisme qui voulait émanciper son peuple du fléau colonial. C'était un homme admirable qui était président de l'Assemblée en 1963 et qui démissionna en signe de protestation contre le texte de la Constitution imposé par le président Ben Bella. C'était un homme probe, un politique d'une envergure inimaginable. Il était respecté autant par ses amis que ses adversaires. C'est un homme qui honore l'Algérie. Comme autre projet, j'enquête sur la Fédération de France relative aux femmes algériennes qui ont travaillé dans les bas-fonds de Paris pour consolider et préserver le trésor du FLN et qui n'ont jamais été reconnues ni perçu un papier ou une reconnaissance comme militantes. Ces femmes se sont données à fond. Mon ouvrage est un hommage à leur bravoure et à leur abnégation. Entretien réalisé par Kheira Attouche