La mise hors jeu de Saddam Hussein continue de susciter commentaires et réactions. S'il est un fait remarquable, et qui a été fort remarqué, lors de l'arrestation de l'ancien président irakien - outre son apparence hirsute -, c'est bien cette apathie et l'impression d'être désorienté, dont il faisait montre d'après les images diffusées par les vidéo de l'armée américaine qui ont fait le tour du monde. La surprise aussi a été le fait que l'ex-dictateur n'ait opposé aucune résistance ni ne s'est défendu lors de l'investissement de la cave où il se terrait. Il était alors patent que mentalement Saddam Hussein n'était pas dans son état d'esprit normal. Lui aurait-on administré quelques médication comme le soutient aujourd'hui une de ses filles qui accuse l'armée américaine d'avoir drogué son père? Intervenant à la chaîne d'information en continu Al-Arabiya à partir de Dubaï, Raghad Saddam Hussein, sa fille aînée, affirme: «Comment peut-on croire qu'ils (les soldats américains) pouvaient le capturer s'il n'avait pas été drogué? Je n'en doute pas, je suis sûre qu'ils ne pouvaient pas le capturer (sans l'avoir drogué)», soulignant: «Saddam Hussein reste mon père. Toute personne honorable qui l'a connu (...) dans sa puissance et sa fermeté sait que celui qui est apparu sur les écrans des télévisions était un Saddam Hussein drogué.» Il est un fait que la fatigue mentale et physique de l'ancien président irakien était très apparente, ce qui, sans doute, a donné aux Américains l'occasion de mettre à profit cette faiblesse opportune, pour interroger leur captif. Ce qu'ils ont d'ailleurs fait, sans succès apparent à en croire les déclarations mitigées de différents responsables américains ayant approché l'illustre prisonnier. Un des responsables américains, anonymes, a déclaré au Times, que Saddam Hussein « est accommodant dans le sens où il répond aux questions (...) Mais il n'aide pas.» Un autre a ajouté: «Il n'a pas laissé entendre qu'il aiderait en donnant des informations», admettant: «C'est ce que nous pensions.» Nous sommes loin des fabulations selon lesquelles l'ex-dictateur aurait livré des informations sur des responsables irakiens dans la clandestinité, ce qui aurait permis leur arrestation. Il semble bien que la seule information que les Américains aient pu, pour l'instant, obtenir de Saddam Hussein est celle de son démenti catégorique quant à l'existence d'armes de destruction massive (ADM) en Irak. Ce que les Américains - qui n'ont toujours rien découvert sur le terrain, fouillé en long, en large et en travers depuis plus de huit mois - doivent bien, un jour ou l'autre, admettre. La vérité en fait commence à se faire jour, l'Irak est dépourvu d'ADM, lesquelles ont constitué le principal motif de la guerre programmée et organisée par les Etats-Unis contre le régime de Saddam Hussein. Maintenant que l'Irak entre dans un après-Saddam effectif, les choses risquent aussi de se compliquer sérieusement pour les Etats-Unis, qui, certes, tirent un certain satisfecit de l'arrestation de leur ennemi n° 1. Mais, tôt ou tard, les Américains auront à faire face aux communautés chiite et sunnite, jusqu'alors attentistes, se gardant de s'engager, à l'instar des Kurdes - la seule communauté irakienne à avoir en vérité totalement adhéré aux actions américaines. Voilà deux ethnies importantes qu'ils auront à amadouer, d'autant que ces deux communautés ont, à plusieurs reprises, manifesté leur opposition à la présence américaine en Irak. La mise hors jeu de Saddam va ainsi clarifier la donne militaire, notamment au plan de la résistance. De fait, privée de son chef, la guérilla baâssiste va sans doute s'essouffler, même si son dirigeant présumé, Ezzat Ibrahim Al-Douri, ancien vice-président, court toujours dans la nature. En fait, Ezzat Ibrahim reste aujourd'hui le dernier dirigeant important du régime baâssiste encore en liberté. Aussi, Washington court-il le risque de voir surgir en Irak une résistance d'une autre nature, pas nécessairement militaire, mais qui lui posera sans aucun doute autant de problèmes que lui en a posé l'ex-président irakien. Hier, la préoccupation des Américains et du Conseil transitoire du gouvernement irakien était ailleurs, plus précisément au Conseil de sécurité qui a commencé une discussion autour du projet de résolution que présentent conjointement le Conseil transitoire irakien et la coalition. Une coalition sortie certes renforcée après le coup de force contre Saddam. De fait, lundi, le Conseil de sécurité a «salué» la capture de l'ancien président irakien et se «réjouit» de la déclaration qu'allait faire le représentant du Conseil irakien, le ministre des Affaires étrangères Hoshayr Zebari. Celui-ci expliquait, lors d'une escale à Paris, dimanche, en route pour New York, qu'il y «exposerait notre projet de transition de la souveraineté au peuple irakien». Selon Zebari «en février prochain, nous aurons une Constitution intérimaire et en octobre 2005, il y aura un référendum sur un projet de Constitution et des élections générales en décembre 2005». John Negroponte, ambassadeur des Etats-Unis, a, pour sa part, formulé l'espoir que la réunion apporte tout son soutien à la reconstruction de l'Irak, indiquant: «Nous espérons que cette réunion sera l'occasion (pour les pays membres) d'exprimer, soit individuellement soit en groupe, leur soutien à la reconstruction de l'Irak et au processus de stabilisation.» Dans son rapport sur l'Irak, le secrétaire général de l'ONU, Kofi Annan, réaffirme que «les Nations unies ne se désengageront pas de l'Irak» écartant néanmoins un retour rapide sur le terrain. La sécurité en Irak continue et continuera sans doute à poser problème. De fait, l'arrestation de Saddam Hussein n'a ni ralenti ni empêché les attentats lors de ces dernières quarante-huit heures.