La nouvelle de l'arrestation de Saddam Hussein a suscité des sentiments mêlés parmi les Algériens de France. «Quelle humiliation!» «Il aurait pu finir comme un homme, debout.» L'annonce de l'arrestation de Saddam Hussein dans un «trou à rats» et les images diffusées par l'armée américaine ont provoqué des réactions de dépit, mêlées de regret de voir celui qui se prenait pour le grand zaïm réduit à un vil personnage. Son look de mendiant a anéanti ses supporters et désarçonné ceux qui, par rejet des Etats-Unis, espéraient une «réaction d'honneur» du dictateur irakien. «Saddam aurait pu avoir plus d'honneur et se donner la mort au lieu de se laisser prendre comme ça. Il aurait pu avoir un peu de dignité pour lui et pour les Arabes», s'indigne Adam Nacer Benahmed, un des responsables du Conseil des démocrates musulmans de France. Les propos se bousculent et les comparaisons fusent. «Il aurait pu se mettre une balle dans la tête comme l'avait fait Hitler, ou mourir les armes à la main comme ses fils», lâche Adam avec un profond dépit. Exécrant le régime autoritaire de Saddam, il ne peut cependant réprimer un sentiment de «déshonneur». «Les dictateurs périssent tous un jour. Mais cette fin m'ôte toute fierté d'être arabe. Car on est ce qu'on est aux yeux des autres. Saddam représentait tout de même les Arabes.» Azzedine Sedjal, journaliste, n'échappe pas lui aussi à ces sentiments contradictoires: «On ne peut pas être indifférent à ce spectacle. C'est humiliant pour un chef qui a gouverné un peuple millénaire. Nous sommes heureux que les Irakiens soient libérés de son joug, mais quelle humiliation!» Pour lui aussi, une fin à l'image du dictateur allemand aurait été plus «noble.» «Où est le «nif»? Il aurait dû mourir debout, «ouaguef». Mourad Saouli, un autre journaliste, ne s'attarde pas sur la «misérable fin» de celui qu'il nomme «le plus grand des salauds». «Ce n'est pas un homme à plaindre. Il est responsable du désastre irakien». Les commentaires sur la véracité du scénario américain vont bon train. Ainsi, Mourad Saouli ne croit pas à la version de la capture de Saddam samedi. Pour lui, les faits dateraient de plusieurs jours. La passivité de Saddam serait également due à des médicaments administrés. «Ce qui compte maintenant, c'est ce qui va advenir de l'Irak, déclare Mourad. Il faut que les Américains partent de l'Irak». Les forums de discussions sur Internet foisonnent de réactions. Sur celui de la radio Beur FM, un dénommé Olivier, probablement un pseudonyme, écrit que «le 14 décembre 2003 restera gravé pour longtemps dans ma mémoire. C'est le jour de la mort de la fierté arabe. Pour se rassurer quelque peu, la réalité des images est mise en doute et le prisonnier ne serait, en fait, qu'un sosie de Saddam». «D'après des connaisseurs, la barbe qu'il avait est une barbe d'au moins 4 ans et non pas 8 mois. Ça explique que c'est un sosie», écrit encore l'internaute. Des interrogations que reprennent volontiers d'autres chercheurs. «Le calme, voire même la coopération de Saddam m'a choqué ! Saddam n'est pas du genre à se laisser faire comme ça. Et toutes ces images...bizarre», répond la Marocaine. Sonia, 93, elle invite à «se poser des questions : Comment l'ont-ils trouvé? Qui l'a vendu? Pourquoi ne s'est-il pas fait sauter avec les armes qu'il possédait lorsque les américains sont arrivés?...» Elle précise cependant qu'elle «ne prend pas le parti de Saddam. Bien au contraire, c'est bien lui qui a proposé à Boumediene son gaz pour tuer les Kabyles, c'est lui qui a exterminé la moitié de son peuple...Mais on est en droit de se poser des questions». Farid, un chef d'entreprise de la banlieue parisienne, clos le débat. «Il n'a eu que ce qu'il méritait. Ainsi doivent finir tous les dictateurs. Il est déplacé d'avoir de la pitié pour Saddam. C'est comme si on crachait sur la mémoire de ses victimes».