La France a utilisé la base Hammaguir pour effectuer 271 tirs de missiles. On a largement parlé des essais nucléaires français dans le Sahara algérien et on a peut-être oublié que l'Algérie a servi au début des années 60, de terrain par la France pour la conquête de l'espace. En effet, l'armée française qui est restée dans le Sud jusqu'en 1965, a effectué plus de deux cents essais spatiaux à Hammaguir une localité de la commune d'Abadla, située à 120 km au sud-ouest de Béchar. Le site a été créé en 1948 par les Français et a été choisi par l'armée française pour installer des rampes de lancement de missiles et de fusées, dans ce qui est peut-être aujourd'hui considéré comme le premier Centre interarmées d'essais d'engins spéciaux de la France. La base fut évacuée en juillet 1967 conformément aux accords d'Evian et demeure depuis inhabitée. Plus de 271 fusées ont été lancées depuis ce site. Selon la presse française, les accords d'Evian contenaient des clauses annexes dites «secrètes» autorisant la présence française prolongée pour certains sites militaires après la Guerre d'Algérie. La base de lancement de fusées d'Hammaguir fut laissée à disposition des autorités françaises cinq années supplémentaires. C'est à partir de ce site que fut lancée la première fusée spatiale française: Emeraude. Cette fusée a été conçue pour tester certains éléments de la fusée Diamant. Dans le cadre du programme «Pierres précieuses», elle avait servi pour mettre au point le premier étage de la fusée Diamant, à moteurs à carburant liquide Vexin. Les trois premiers tirs de la fusée, les 15 et 17 juin, puis 20 octobre 1964 furent des échecs, la fusée se cassant à chaque fois en vol. Ces échecs de l'étage principal du futur lanceur Diamant crée le doute dans les équipes françaises, mais les quatrième et cinquième tirs, les 27 février et 13 mai 1965, se passeront bien; la fusée atteindra 180 kilomètres d'altitude lors de ce dernier tir. C'est en arrivant au pouvoir en mai 1958, que le président de Gaulle a été convaincu de l'importance stratégique de l'arme nucléaire et spatiale. Il décide, après l'échec de négociations avec les Etats-Unis, que la France développera de manière individuelle un missile balistique porteur de l'arme atomique. Et conséquence de la course spatiale lancée par les Russes et les Américains, le général de Gaulle décide, le 7 janvier 1959, de créer le Comité de recherches spatiales (CRS) chargé d'étudier le rôle que la France pourrait jouer dans ce nouveau secteur. Le 2 août 1961, le général de Gaulle décide de profiter de l'opportunité de construire un lanceur de satellites à faible coût: il donne son feu vert à la construction du lanceur Diamant. Entre 1961 et 1965, toutes les connaissances nécessaires pour la réalisation d'un missile à longue portée (ainsi que d'un lanceur de satellite) sont soigneusement acquises. À l'Indépendance de l'Algérie, les accords d'Evian, en 1962, prévoient l'abandon, par la France, de la base de lancement d'Hammaguir à compter de juillet 1967. Le Cnes, qui est chargé de trouver une base de remplacement, a étudié quatorze sites dans les départements d'outre-mer ainsi que dans des pays étrangers tels que le Brésil et l'Australie. Les sites devaient avoir un point en commun: être près de l'équateur pour offrir des conditions météorologiques idéales pour les lancements d'engins spatiaux. Le rapport du Cnes choisi la Guyane, qui offre plusieurs avantages comme la faible densité de populations et la large ouverture sur l'océan Atlantique qui permet ainsi de réduire les risques en cas de problème avec le lanceur. En outre, la zone n'est pas sujette aux tremblements de terre et aux cyclones. Mais surtout la Guyane fait partie intégrante du territoire français, ne présente aucun risque de déstabilisation politique, comme ce fut le cas pour l'Algérie. Le Premier ministre, à l'époque, Georges Pompidou, suit ces propositions et le 14 avril 1964 fait passer un arrêté ministériel pour créer le Centre spatial guyanais à Kourou et depuis c'est à partir de ce site que toutes les fusées françaises sont envoyées vers l'espace. En quittant le sol algérien, l'armée française qui n'était pas contrôlée par l'armée algérienne à cette époque, a tout détruit afin que l'Algérie ne récupère pas la technologie spatiale française. Aujourd'hui, l'Algérie a décidé, plus de 45 ans après l'Indépendance, de se lancer dans l'aventure spatiale, avec plusieurs années de retard sur la France. Les politiciens algériens de l'époque n'étaient pas conscients de l'importance de la conquête spatiale et ses retombées sur la course à l'armement atomique.