Tableau chorégraphique de la troupe syrienne L'Algérie, le Sénégal, la Syrie et la Tunisie formaient le menu de vendredi dernier. Le deuxième jour du Festival à proprement parler a été prometteur en matière de danse contemporaine. Quatre troupes, quatre pays concouraient pour la place du meilleur danseur, et ce, sous le regard attentif de l'ex-vice-Premier ministre Noureddine Yazid Zerhouni, invité lors de ce festival. C'est la troupe du Ballet national de l'Onci, sous la direction de Abdelkader Kimda, qui a ouvert le bal. Intilulé Renaissance, le spectacle donnait à voir une succession de tableaux de danse avec un décor de payasage projeté en arrière-fond. Si les danseurs et danseuses se distinguaient par la bonne démonstration chorégraphique, il y avait comme une sorte d'étalage de technicité sans la moindre émotion sur les visages. Bien que la troupe est appelée à occuper complètement la scène en travaillant un peu sur la dramaturgie et une certaine pointe d'humour, il lui manquait souvent cette grâce qui fait la différence. Celle-ci finira par pointer du nez grâce à la musique employée au dernier tableau. Celui-ci sortait un peu du lot. La Syrie, pour sa part, avec la compagnie Ardos donnait à voir un duo de charme qui racontait la genèse de l'humanité. Le spectacle s'ouvre sur la vue d'une femme accrochée au corps d'un homme, faisant quasiment un. Ces derniers parviennent à se détacher puis à se chercher à l'infini. Si la fille porte une chemise et le garçon une jupe, ils vont les échanger pour atteindre une certaine harmonie «naturelle» et finir par se rencontrer dans un certain équilibre, une osmose parfaite. Ici, la finesse était le maître mot. De l'émotion se dégageait à juste titre du regard du danseur qui ne faisait pas que danser, mais tel un comédien, il habitait carrément son personnage. Une qualité qui manquait aux artistes algériens, pourtant joliment vêtus, rehaussés d'un maquillage de scène impeccable. Le Sénégal, de son côté, a été représenté par quatre femmes aux corps sculpturaux, parfois athlétiques, de l'association Premier Temps, une compagnie qui s'inscrit dans une démarche d'écriture résolument contemporaine. En effet, s'il subsiste quelques traces de gestes de danses «africaines» dans leur mouvement, la musique employée, stridente, parfois électrique et colorée, est loin de rappeler le continent noir. Elle est plutôt universelle, cosmique. Intitulée Syzygie, ce spectacle évoque le rapprochement des planètes et leur renforcement qui s'opère tous les 60 ans. Les quatre danseuses vont ainsi illustrer cette idée par de très belles métaphores chorégraphiques faisant appel à une énergie folle allant jusqu'à se porter sur le dos, tour à tour, l'une après l'autre. Un quatuor de femmes «inspiré dit-on d'un courant sous-marin très profond, semblable à la circulation sanguine, à la gravité qui nous conjugue avec la Terre par des phénomènes physique et mystiques». Le finish de la soirée a été donné par la Tunisie, avec la compagnie Brotha From another Motha et son spectacle «And So?» réalisé en août 2011 au lendemain de la révolution du Jasmin, qui est une belle bouffée d'oxygène racontant l'engagement de cette jeunesse pour la démocratie et la liberté. Des idéaux développés à travers une démarche scénique tout à fait remarquable faisant parfois appel à la dramaturgie comme ce mur rouge que nos danseurs tenteront de casser pour finir par mourir en martyrs. Des scènes qui rappellent ces rassemblement de milliers de personnes en Tunisie devant le ministère de la Défense pour clamer le départ de Ben Ali, quitte à donner leur dos et recevoir des balles. Ici, les hommes s'entre-déchirent comme dans un combat de buffles. L'atmosphère chargée des manifestations de la rue Bourguiba est perceptible, on ne sait comment. Sans doute par ce côté extrêmement «physique» déployé tout au long de la pièce par ces jeunes à l'énergie à revendre. La pièce se dote d'un côté vintage en revenant quasiment aux années 1980, jeans troués et veste colorée, large sur le dos pour les garçons, manière de souligner le changement de mentalité qui s'est opéré par rapport aux aînés et la maturité de la nouvelle génération, consciente des revendications sociopolitiques de l'heure. C'est cette jeunesse, en effet, qui s'était battue pour que Ben Ali tombe, ce dernier est hué dans se spectacle où le fameux slogan «dégage!» est repris avec force et puissance par ces jeunes. «Je voulais montrer que notre jeunesse était cultivée politiquement et qu'en danse, on pouvait aussi traiter de sujets politiques. La danse n'est pas seulement un art, elle est aussi une politique», nous confiera le chorégraphe Seif-Eddine Manai. Ce dernier a formé des danseurs rencontrés dans la rue, qui évoluaient principalement dans le hip-hop. Aussi, l'on apprendra qu'un costume manquait pendant la représentation. La scène? Un homme tire sur un autre. Le costume en question n'est autre que celui du policier, confisqué au niveau des Douanes algériennes...