Le rapport de la Forem est accablant 50.000 enfants sont maltraités, 10.000 sont violés, 350.000 travaillent de façon permanente, 20.000 sont dans la rue, 15.000 sont présentés devant les tribunaux chaque année et plus de 25% de jeunes ont touché à la drogue. Des chiffres qui donnent le tournis... Nouvelle époque, nouveaux dangers! «L'enfant de 2012 n'est plus confronté aux mêmes dangers que ceux d'il y a 50 ans», voilà comment est résumée la situation des enfants en Algérie en 2012. L'ancienne championne de judo, Salima Souakri, en sa qualité d'ambassadrice de l'Unicef. «Il y a cinquante ans, les enfants étaient confrontés au manque de soins, d'éducation ou de nourriture. Aujourd'hui, d'autres problèmes sont apparus qui sont encore plus dangereux», a ajouté Mme Souakri en marge de la célébration de la Journée mondiale des droits de l'enfant qui a été organisée à l'hôtel Hilton d'Alger par la Fondation nationale pour la promotion de la santé et le développement de la recherche (Forem). Salima Souakri qui fait également partie de l'Observatoire des droits de l'enfant (ODE) se bat pour lutter contre ces dangers du nouveau millénaire. Mais que sont vraiment ces dangers dont parlent Salima Souakri et la Forem? «Maltraitance, travail, rue, drogue, enlèvements, suicides, manque de prise en charge», affirme Salima Souakri qui se réfère à un rapport de la Forem intitulé «La situation des enfants en Algérie en 2012». Ce rapport est des plus choquants! Il révèle par exemple que plus du quart de nos enfants sont victimes de maltraitance (enquête Forem 2003: 27%; enquête Unicef 2009: 22,5%). «Le nombre réel de maltraitances, reste difficile à estimer, mais on peut arrêter un chiffre minimum de 50.000 cas par an», est-il souligné dans ce rapport. Les agressions sexuelles sont également citées par ce rapport qui les qualifie de «véritable phénomène de société». Leur nombre a été estimé à près de 10.000 en 2010. Les enfants victimes souffrent en silence. Les tabous sont très lourds car «80% de ces actes sont enregistrés dans le milieu familial». Autre danger qui guette les enfants: le problème épineux du travail. En effet, le travail des enfants reste un des dossiers les plus lourds de l'enfance dans notre pays. «Le nombre des enfants qui travaillent de façon permanente et qui ont abandonné les bancs de l'école dépasse les 350.000», est-il écrit dans le même rapport. La rue et ses dangers! Des cas de pires formes de travail même s'ils ne sont pas nombreux ont été enregistrés et nécessitent un dépistage systématique comme cela est le cas des enfants qui «travaillent la nuit, qui travaillent dans les sablières, qui effectuent des travaux dangereux ou qui sont exploités dans les réseaux de prostitution», est-il dénoncé. La rue a également été évoquée dans ce rapport. «20.000 enfants de la rue sont en rupture totale avec leur milieu familial devenant, de ce fait, des SDF», rapporte la même source. Qui dit rue, dit divers fléaux. Le plus répandu d'entre eux est sans nul doute la drogue. «Plus de 25% des jeunes ont touché à la drogue et 3% la consomment régulièrement, la situation est des plus inquiétantes», révèle ce même rapport. Le problème dans la rue est le fait que ce ne sont pas seulement les enfants SDF qui sont confrontés à ses dangers. Beaucoup d'entres eux sont livrés pendant toute la journée à eux-mêmes ou n'ont comme seul terrain que la rue. Leur temps libre n'est pas pris en charge ce qui fait d'eux des oisifs et les expose à de nombreux dangers sociaux. «La famille, l'école, les directions de la jeunesse et des sports et les collectivités locales devraient s'impliquer davantage dans ce domaine, car aujourd'hui à peine 2% d'enfants scolarisés pratiquent une activité sportive au sein d'un club ou d'une fédération», conseillent les rédacteurs de ce rapport. Les enfants qui sont livrés à la rue pendant une grande partie de leur temps, s'ils ne deviennent pas drogués, finissent délinquants, quand ce n'est pas les deux en même temps. «Plus de 15.000 enfants sont présentés devant les tribunaux chaque année», est-il rappelé. Ces enfants qui plongent dans la délinquance juvénile sont impliqués, notamment, dans des affaires de violence sur autrui et de vols. Ils sont âgés entre 12 et 16 ans. Autres problèmes qui n'ont pas été évoqués dans le rapport mais que Salima Souakri considère comme de véritables fléaux, ce sont les kidnappings et les suicides d'enfants. «Ce sont deux problèmes qui prennent de plus en plus d'ampleur et auxquels nous devons trouver au plus vite des solutions», commente- t-elle. Une identité pour les enfants nés sous X Le président du Forem, le professeur Mostefa Khiati, a insisté sur le problème des enfants nés sous X. «Le problème des enfants nés sous X dont le nombre est estimé entre 3000 et 5000 par an fait toujours l'objet d'un traitement très discret de la part des pouvoirs publics, ce qui n'apporte aucune solution», a-t-il dénoncé. «Il est pourtant urgent de renforcer le traitement de ce problème à ses deux extrémités: éducation sexuelle en aval et assouplissement des procédures de kafala ainsi que l'identification ADN systématique des géniteurs en amont», a demandé le professeur Khiati. Il réclame également la mise en conformité de la Convention internationale des droits de l'enfant avec nos lois nationales et plus généralement la promulgation d'un Code de l'enfance ne semble pas encore à l'ordre du jour. Pour ce qui est des problèmes que l'on peut appeler «classiques» qui sont la santé, la nutrition et l'éducation, le Forem note des avancées très importantes. Toutefois, elle estime qu'il reste encore quelques imperfections. Au plan de l'éducation, il est déploré que 15% des enfants quittent l'école avant la fin du cycle primaire et l'Unicef estime même que 27,2% des enfants de moins de 15 ans sont analphabètes. Au plan santé, les ruptures fréquentes de vaccins et médicaments divers mettent en danger la santé des enfants et créent un dysfonctionnement dans le programme national de vaccination. Au plan nutritionnel, l'absence d'une politique d'éducation sanitaire est derrière le recul constant de l'allaitement maternel, moins de 13% des enfants de moins de 6 mois sont allaités au sein. Faute d'un Code de l'enfance, d'une instance nationale chargée du suivi des enfants et d'une identification claire des objectifs à atteindre en matière d'une politique nationale de promotion de l'enfance, les efforts des pouvoirs publics malgré leur importance ne pourront pas cerner les maux dont souffrent les enfants de notre pays ou les endiguer. Les dangers continuent donc de guetter nos enfants à chaque coin de rue...