Scène du film Le film documentaire «J'ai habité l'absence deux fois» nous aura en 21 minutes, émus, interrogés, interpellés et surtout, il nous aura aidés à mieux nous souvenir, aussi douloureuse soit la mémoire dont témoigne sa réalisatrice. Une oeuvre aboutie et ce à l'unanimité du public, des critiques et journalistes, Drifa Mezenner a raflé une multitude de prix lors de plusieurs festivals, parmi eux le Premier Prix du Festival international du film amateur de Kélibia (Tunisie). Prix d'encouragement pour le meilleur scénario aux Journées cinématographiques d'Alger, Prix Coup de coeur au Festival des films Femmes Méditérannée. Son film, issu des Rencontres du film documentaire de Béjaïa, «Béjaïa Doc» a réussi à aiguiser aussi bien sur son époque que sur son histoire personnelle, un regard profond et lucide. A travers son quartier et une lettre adressée par son frère en Angleterre, Drifa Mezenner explore l'ampleur de toute une tragédie, l'exil des siens, les plaies ouvertes de leurs absences, de l'absence de vie et de joie dans un pays ravagé, avec l'attente désespérée aussi, du retour du fils au pays. L'Expression: Vous avez longtemps habité Kouba, que vous évoquent ses cités et son histoire? Drifa Mezenner: Kouba représente pour moi ma maison, mon enfance, et tous les gens avec qui j'ai grandi, l'histoire de Kouba est l'histoire de ses enfants, du bouillonnement constant de ses citoyens. C'est l'histoire de mon frère aussi, de toute une génération éprise de l'autre côté de la mer, l'histoire d'une ville qui a été aussi le foyer et le berceau d'une grande tragédie, celle qui a touché notre génération et qui a eu à subir des années de braise et de sang. Votre film documentaire traite de l'exil et de l'absence, croyez-vous que la haraga soit l'unique solution pour que les jeunes Algériens puissent s'épanouir et vivre mieux, en laissant derrière eux cependant, une famille et des attaches? A travers l'histoire de ma famille, je voulais porter un regard sur ce qu'est devenue cette ville aujourd'hui, de l'absence d'un être cher et son impact sur la famille. Or, dans le film, ce qui importe c'est de se poser les bonnes questions. Que les jeunes aient eu raison de partir ou non, la seule chose qui me préoccupait était de montrer ce qui nous a été arraché par le poids de la vie et l'absence. Cet exil a laissé derrière lui une traînée de cendres. Votre documentaire inspire une réelle ingéniosité en plus de l'authenticité dans la démarche scénaristique qui ont fait que le public les a aussi éprouvées, comment vous est venue l'idée d'écrire et de réaliser votre film? Faire un film n'est pas l'affaire d'un réalisateur uniquement, c'est la synergie de tout un groupe et le résultat de ses efforts réunis, le film a été réalisé dans le cadre de l'atelier «Béjaïa Doc», pendant la première phase de l'écriture, j'avais basé le film essentiellement sur la lettre de mon frère, son expérience constituait le squelette du film, et pendant le montage, alors que j'avançais dans l'écriture de mon texte, et avec l'aide de Habiba Djahnine qui m'a beaucoup soutenu tout au long de l'atelier, le film s'est mué. Mon souci majeur était d'ailleurs de raconter mon histoire avec justesse et authenticité. Quelles sont les oeuvres cinématographiques récentes qui vous auraient marquée ou influencée? Dans «J'ai habité l'absence deux fois», on trouve de Merzak Allouache, des passages de Omar Gatlato ainsi que des influences du film, le fabuleux destin d'amélie Poulain réalisé par Jean-Pierre Jeunet.