L'unité de l'Irak se jouera à l'aune de la ville pétrolière revendiquée par les Kurdes. Des milliers de Kurdes sont sortis, hier manifester leur attachement à la ville pétrolière de Kirkouk, revendiquée comme le «symbole historique» du Kurdistan irakien. «Kirkouk, Kirkouk coeur du Kurdistan» criaient hier les manifestants dans ce qui apparaît comme le début d'une vaste campagne initiée par les deux partis dominant la vie politique de la province kurde, le Pari démocratique du Kurdistan (PDK, de Massoud Barzani) et l'Union patriotique du Kurdistan (UPK, de Jalal Talabani). Mettant en avant les droits historiques qu'aurait cette communauté sur la ville pétrolière, Massaoud Barzani indiquait en effet, «Les Kurdes ne réclament pas Kirkouk parce que cette région est riche en pétrole (...), mais parce que ses villes et ses villages ont de l'importance pour l'histoire des Kurdes et sont situés à l'intérieur des frontières géographiques et administratives du Kurdistan». Le Kurdistan, autonome de fait depuis 1991, -grâce aux zones d'exclusion, instituées à cette époque par les Etats-Unis et la Grande-Bretagne-, semble aujourd'hui privilégier le fédéralisme qui confirmerait son autonomie par rapport au pouvoir central. De fait, les cinq représentants kurdes au sein du Conseil de gouvernement transitoire irakien avaient remis la semaine dernière à l'instance provisoire un projet de loi sur le fédéralisme, projet qui inclut dans la zone kurde la ville et la province de Kirkouk. A l'évidence, les Kurdes, que douze ans d'autonomie ont préparés, sinon à l'indépendance, du moins à l'instauration d'un gouvernement autonome kurde à Erbil, semblent avoir pris beaucoup d'avance sur les autres communautés et ethnies de l'Irak. En effet, les Kurdes, qu'ils soient de l'UPK ou du PDK, qui n'ont pas balancé dans leur soutien sans réserve à l'intervention américaine en Irak, voient loin et sont la communauté la plus dynamique donnant, même, par moment, l'impression d'avoir pris en charge le devenir de l'Irak, notamment en accaparant des postes stratégiques dans le gouvernement provisoire irakien. C'est donc fort de ces prémices que les Kurdes ouvrent carrément les hostilités tant par leur revendication publique sur Kirkouk, que par le dépôt du projet de loi sur le fédéralisme. En fait, ce projet, réadapté aux circonstances de l'heure, n'est que le duplicata d'une loi adoptée l'an dernier, par le «parlement kurde» (non reconnu internationalement). Dans une récente déclaration à la presse, Bakhtiar Amine, adjoint du membre du gouvernement provisoire, Mahmoud Othman, a indiqué: «Nous avons présenté ce texte (projet de fédéralisme) car nous voulons dès maintenant entrer dans les détails de la question du fédéralisme et nous ne voulons pas attendre l'adoption de la nouvelle Constitution pour poser le sujet, reporter le sujet jusqu'après l'adoption de la nouvelle Constitution», actuellement à l'étude. Le texte précise les données de la région kurde composée des provinces d'Erbil (capitale du Kurdistan), de Dohouk et de Souleymanieh, auxquelles viendrait s'adjoindre Kirkouk et une partie de la province de Mossoul (400 km au nord de Bagdad). En fait, les Kurdes font dans le forcing pour que la nouvelle Constitution, en préparation, fasse état, notamment, du caractère fédéral du futur Etat irakien. Les manifestations organisées hier à Kirkouk entrent de plain-pied dans ce contexte confortant les pressions que les Kurdes font peser sur le Conseil transitoire de gouvernement par ailleurs. De fait, l'activisme des Kurdes tranche avec le recul qu'observent les Chiites, principale composante humaine de l'Irak.