«Hamraoui Habib Chawki a été l'un des premiers dirigeants de la Méditerranée à parler de la TNT» Alors que l'Algérie accueille un séminaire sur l'audiovisuel, nous avons rencontré le DG de l'Union radiophonique et télévisuelle internationale qui nous a donné franchement son avis de professionnel sur les derniers développements de l'audiovisuel mondial et régional. L'Expression: L'Urti est très présente en Algérie. Est-ce à cause des révolutions arabes que l'Urti apporte son aide aux télévisions arabes et maghrébines? Alain Massé: L'Urti est la plus ancienne organisation audiovisuelle au monde et dans chaque partie du monde, il existe une organisation qui coordonne l'audiovisuel (l'UER pour l'Europe, l'Asbu pour le monde arabe et l'UAR). Nous avons un partenariat avec chacune des organisations régionales. On a signé un accord entre l'Asbu et l'Urti lors de la dernière assemblée générale à Tunis. Nous avons participé à l'Assemblée générale de l'Asbu du 11 au 13 décembre au Caire. Avant de savoir comment l'Urti accompagne les chaînes de radio et télévision du Maghreb, il faut savoir comment ces dernières participent à l'Urti. Les membres de l'Urti travaillent ensemble pour mutualiser les moyens, échanger les programmes et surtout organiser le grand prix international qui nécessite la mobilisation de toutes les chaînes et les organisations internationales. Un grand prix international auquel participent 85 pays et toutes les chaînes des pays méditerranéens membres de l'Urti. Les révolutions arabes ont une influence particulière sur les organisations internationales. La mission de l'Urti n'est pas de commenter les mutations géopolitiques dans le Monde arabe. Vous êtes apolitique donc? Non ce n'est pas parce qu'on est apolitiques, on est une organisation internationale qui organise la coopération entre les Etats membres. Aujourd'hui, il n'y a pas un diffuseur public qui n'aurait pas sa place au sein de l'Urti. C'est une passerelle entre les peuples. Il faut préciser que l'origine de l'Urti remonte à 1949. L'Unesco organise une conférence en 1947 pour que les pays apprennent à se connaître pour éviter un nouveau conflit mondial. C'est sur sa base que l'Urti a été créée et aujourd'hui l'Urti est une passerelle entre les peuples. C'est aussi du business car en échange des images on fait gagner beaucoup d'argent à nos membres. Lorsque la télévision algérienne commande gratuitement des programmes dans le catalogue de l'Urti, elle économise de l'argent puisque le diffuseur ne paye pas le programme, qui est un programme de qualité. Par exemple, il y a eu 50 programmes de la télévision algérienne, qui ont été validés par la commission télé qui s'est réuni, à Sidi Fredj cette semaine et qui font partie du catalogue de l'Urti 2013. Cela démontre que l'Entv possède des programmes de qualité au moment où elle se fait justement critiquer. Quels sont les critères de l'Urti pour choisir un bon programme? C'est très simple. vous avez 22 membres représentés. Pour les pays du nord; il y a la Hongrie, l'Italie avec la Raï, la Rtbf, France Télévision. Pour les pays africains, vous avez le Tchad, le Cameroun, le Mali, mais aussi la 2M du Maroc. Tous les programmes du catalogue sont sélectionnés par des membres que je viens de vous citer. Pour nous c'est un plaisir de voir que 50 programmes de l'Eptv qui vont entrer dans le catalogue 2013 car ils ont été sélectionnés par le panel des membres de l'Urti. Maintenant concernant les programmes de l'Eptv, les membres de l'Urti après visionnage considèrent qu'ils ont une qualité suffisante pour les faire entrer dans ce catalogue d'échanges. Lorsque les membres de l'Eptv proposent des programmes pour une sélection, ils font eux-mêmes une présélection des meilleurs programmes pour la commission de l'Urti. Quel est le rôle de l'Urti dans les échanges entre télévisions dans la région, sachant qu'il n'existe pas beaucoup d'échanges entre la télévision algérienne et les télévisions marocaines, tunisiennes et même françaises? Vous serez surpris de savoir que la majorité des membres de la commission viennent de la Rtbf belge, de France Télévisions et même de la 2M marocaine. L'Urti participe justement aux échanges entre les télévisions. C'est les membres de l'Urti qui ont négocié la libéralisation des droits pour les mettre à la disposition des autres pays. Quand l'Eptv libère les droits de 50 programmes cela lui donne le droit et laccès à un catalogue de 1000 programmes. D'après vous en tant que professionnel, quelle est la place de l'Algérie dans les différentes organisations internationales audiovisuelles, sachant qu'aujourd'hui l'audiovisuel sert de moyen diplomatique et politique pour certains pays? N'allez pas croire que je vais vous donner une réponse démagogique, je suis le seul professionnel du Nord à avoir participé aux huit dernières assemblées générales de l'Asbu. Quand je vois que l'ancien DG de l'Entv Hamraoui Habib Chawki a fait deux mandats à l'Asbu et deux mandats à la présidence de la Copeam, quand je vois mon ami Mustapha Benabi et Ahmed Djabri travaillant pour l'international au sein de l'EUR au sein de la Copeam et au sein de l'Urti....très franchement j'aimerais bien que les pays s'impliquent autant à l'international comme le fait l'Eptv ou la radio algérienne. Il y a un débat sur la nomination du patron de la chaîne francophone TV5 Monde, sachant que les Français l'ont toujours dirigée alors que cette fonction devrait revenir aux Belges, Suisses et Canadiens. Qu'est ce qui fait le succès des Français dans le monde audiovisuel mondial et européen? A TV5 Monde, il y a cinq gouvernements partenaires: la France, la Suisse, la délégation Wallonie-Bruxelles, le Canada et le gouvernement provincial québécois. Si la France a toujours dirigé la chaîne c'est parce qu'elle détient les trois quarts de TV5 Monde. Mais il n'y a pas de règle et si vous voulez mon avis très personnel, sur le principe il n'y a rien qui s'oppose que ce soit un étranger qui prenne la direction de TV5 Monde. La France a tenu le rôle de locomotive dans TV5 et je peux vous dire que les autres partenaires ont toujours travaillé en parfaite harmonie avec la direction française. C'est vrai que la France a beaucoup investi dans l'audiovisuel public international, si on prend l'exemple de RFI, qui est une radio internationale et dans la télévision, avec l'exemple de TV5 Monde ou dans Euronews. Ce que je trouve intéressant est que cela ne s'est pas fait dans un cadre multilatéral mais souvent de manière intelligente. L'Algérie n'a pas ouvert son champ audiovisuel. Est-elle en retard par rapport aux autres pays de la région? J'ai l'habitude de dire que le meilleur moyen d'être en avance, c'est de commencer par être en retard. Regardez en France, on est devenus très développés dans le domaine de l'audiovisuel alors qu'on était très en retard dans les années 60. Dans notre génération on a largement développé le secteur des télécommunications. Pour ce qui concerne l'Algérie, l'essentiel est de savoir comment on se prépare pour demain. Je connais les dirigeants de l'audiovisuel algérien depuis plusieurs années que ce soit pour la radio ou la télévision. Je me souviens que Hamraoui Habib Chawki a été l'un des premiers dirigeants de la Méditerranée à parler de la TNT, il a été également le premier à défendre l'idée d'une ouverture au privé. Aujourd'hui, la question ce n'est pas de savoir si on est en retard en Algérie, la question c'est de savoir si la télévision et radio algériennes vont faire face à cette ouverture, en se structurant. Vous savez, j'ai travaillé dans les trois quarts des pays africains et j'ai toujours porté ce message. L'ouverture de l'audiovisuel au privé est indispensable, il faut qu'elle intervienne vite, mais pas trop vite, il faut aussi commencer à structurer les services publics, parce que si on déstabilise le service public, avec l'arrivée de la concurrence des chaînes privées et si au départ elles vont avoir des avantages concurrentiels, on risque de fragiliser le service public et on se posera la question ensuite qui assumera la mission du service public. On a vécu cela en France, si on prend l'exemple de Radio France, elle possède 23% de parts d'audience et elle est leader dans le secteur et fait aujourd'hui face à 17 réseaux de radios privées nationaux. C'est le résultat d'une bonne restructuration. BBC et d'ARD font plus de 50%. Encore une fois ce n'est pas de savoir si l'audiovisuel public est en retard sur l'ouverture de la concurrence au privé. C'est de savoir si le jour où le paysage audiovisuel va s'ouvrir en Algérie on fera face à la concurrence, l'enjeu majeur est là. Le privé aura toujours les moyens de se développer très vite grâce à des capitaux privés.