Tout le monde met en garde contre le danger que représente «la chkara» La loi et l'Etat semblent impuissants devant ces «mélanges explosifs». Le débat sur les cas d'incompatibilité avec le mandat parlementaire, est un principe prévu par la Constitution de 1996. Mais il a fallu attendre 16 ans pour le voir fixé par la loi organique n°12-02 du 12 janvier 2012. Intervenant hier, à l'occasion des travaux de la journée d'étude sur le thème sus-indiqué, organisée sous l'égide du ministère chargé des Relations avec le Parlement, le Dr Messaoud Chihoub, également député, a souligné que «le vrai danger réside au niveau local où l'immixtion de la chkara et de l'argent sale pour contrôler les APC et les APW est avéré et flagrant». Pour mettre les garde-fous contre ce genre de pratique, M.Chihoub dira qu'il est très important d' «élargir la loi aux Assemblées locales, car le cumul entre le pouvoir local et le pouvoir de l'argent ne peut être que périlleux». Actuellement, la commission juridique et des libertés de l'APN a recensé 45 cas d'incompatibilité avec le mandat de député, selon un membre du bureau de l'APN. Cependant, un seul député élu sur la liste du Front du changement à El Bayadh a sacrifié son mandat de député pour s'occuper de sa clinique médicale privée. Selon certaines indiscrétions, sur les 44 restants, seuls 37 ont présenté leur démission. Les autres ont jusqu'au 21 décembre en cours pour faire leur choix entre leur mandat et leur profession. «Le mélange du milieu politique avec celui de l'argent est des plus dangereux étant donné le conflit d'intérêts qui peut exister entre le mandat électif et les intérêts individuels de la personne ou du groupe qu'il représente» selon M. Tazibt, député du PT. «Il y va de la crédibilité des institutions élues et des politiques, voire même de la stabilité de l'Etat, car lorsqu'il y a des intérêts particuliers en jeu et qu'on siège à l'APN, on peut bloquer des lois, faire des amendements et proposer des lois sur mesure pour protéger des intérêts», dira-t-il. «Cette forme de corruption politique leur ouvre les portes pour faire également pression sur les institutions de l'Etat», ajoute-t-il. Certaines sources affirment qu'il existe même des cas d'incompatibilité au niveau du bureau de l'APN. On se souvient de l'épisode où l'importation de la friperie a été imposée par un groupe de députés au profit des barons de ce négoce. Il est à rappeler que durant la sixième législature, un amendement pour protéger la production nationale du médicament a mis des années pour être accepté. A travers des amendements, un certain lobbying, un député-importateur et parrainé par les importateurs agit uniquement en fonction des intérêts inhérents à son groupe, affirment quelques députés. «La loi organique pose le problème de l'incompatibilité a posteriori, c'est-à-dire une fois que le candidat est élu, il est constaté que la loi a fait l'impasse sur des cas d'éligibilité lors du dépôt de candidature pour briguer un mandat électif», déplore-t-on encore. En tout état de cause, «en l'absence d'une entité indépendante pour enquêter sur la véracité de déclarations du patrimoine et des activités des uns et des autres, on risque tout bonnement de vider ladite loi organique de sa substance et la rendre lettre morte», selon le Dr Abdeljalil Meftah. Autre anomalie, les dispositions de cette loi accordent un temps «fou» ou un délai déraisonnable avant de voir tomber la décision définitive ou mettre en conformité avec la loi les cas incompatibles.