Le tout est que la campagne électorale de l'actuel président de la République se fasse sans encombres. A moins de quatre mois de l'élection présidentielle d'avril 2004, le ministère de l'Intérieur semble privilégier une stratégie basée sur le «tout-préventif», c'est-à-dire l'exclusion hors cadre légal de toute action politique de nature à perturber la tenue du scrutin dans les meilleures conditions possibles. De fait, les anciens leaders de l'ex-FIS, notamment Ali Benhadj et Ali Djeddi, considérés comme «activistes islamistes hautement dangereux», les repentis du GIA, les trévistes de l'AIS et de la Lidd, les anciens meneurs du parti dissous et même les associations islamistes caritatives sont soumis à des restrictions draconiennes. L'approche de l'élection présidentielle n'est pas le seul motif de ces interdictions, mais risque d'en réduire encore plus les espaces de mouvement, déjà très minces. La stratégie du «tout-sécuritaire», qui n'a pas complètement disparu des moeurs politiques des responsables de la sécurité intérieure, est à chaque fois reconduite sous le prétexte que la menace terroriste n'a pas complètement disparu. Cette stratégie, lors d'enjeux politiques et électoraux trop importants, porte le qualificatif de «tout-préventif» et tend à l'exclusion pure et simple de toute action jugée suspecte. En fait, nous sommes en face d'un vaste fourre-tout à la Prévert qui permet aux autorités d'éliminer quiconque peut ne pas représenter à leurs yeux une «alternative intéressante». C'est par ce procédé, par trop judicieux et fallacieux que le défunt cheikh Mahfoud Nahnah avait été éliminé de la course à la présidentielle d'avril 1999. Or, attention, il n'y a pas que les partis islamistes et les activistes qui seront touchés par ces restrictions, ceux-ci étant, pour la plupart déjà «hors circuit». D'autres mouvements, associations et partis peuvent en faire les frais, pour peu que leur activisme militant ne s'inscrive pas dans une «ligne tolérable». A peine tolérés, des partis comme El-Islah, nouveau chef de file de «l'islamisme radical soft», ou le FFS, dont l'obstructionnisme politique met les autorités mal à l'aise, risquent eux aussi d'être pénalisés à la moindre dérive dans l'action. Le plus court chemin à ces pénalités est toujours le même : pousser le parti lui-même vers la porte de sortie, l'exclusion, l'abstention et le retrait. Le tout est de savoir ce qui peut, de manière directe, délibérée ou sous-tendue et suggérée, constituer un motif assez fort pour mener le parti ciblé vers la porte de sortie. Les «libertés tolérables» sont le nouveau joujou d'une «démocratie dirigée», car personne, entendons-nous bien, ne peut prétendre aujourd'hui que les espaces de liberté ont gagné de nouveaux empans sur l'autoritarisme et les restrictions ambiantes, même si la façade est à ce point fardée pour faire croire le contraire. Les marches et les manifestations restent interdites dans la capitale et les grandes villes, les réunions et conférences minutieusement étudiées et rigoureusement contrôlées, et chaque action, pour peu qu'on ne maîtrise pas ses débouchés, peut être interdite. «Plus de sécurité intérieure et moins de libertés», voilà, on a mené un tout-préventif qui aura permis aux cercles de décision de faire croire aux 32 millions d'Algériens que cette équation est équitable.