Les différents débats sur le halal, les minarets, la burqa, la laïcité, l'identité nationale, l'immigration et les prières des rues ont libéré la parole des extrémistes Ces débats sont orchestrés par la droite classique, pour draguer les voix d'un électorat xénophobe à travers lesquelles se sont forgés des préjugés qui ont fait la part belle à la stigmatisation et aux thèses racistes. Le quinquennat de Nicolas Sarkozy a été certainement parmi les plus redoutés pour les étrangers hors communauté européenne, particulièrement les Algériens, depuis leur installation en France. Le nombre de résidents d'origine algérienne en France a été estimé, en 2012, à 4 millions (dont 2 millions de binationaux) par Gilbert Meynier, spécialiste de l'histoire de l'Algérie et professeur émérite à l'Université Nancy II. Toute une batterie de mesures et de lois a été mise en oeuvre pour rendre leur vie infernale et les livrer à la vindicte populaire. Projet de déchéance de la nationalité française, débat sur l'identité nationale, la laïcité, le port du voile, l'immigration choisie, statut des étudiants, expulsions massives des candidats à l'immigration (plus de 3700 Algériens ont été expulsés en 2009)... Des débats sur mesure, pour draguer les voix d'un électorat xénophobe à travers lesquelles se sont forgés des clichés et des préjugés qui ont fait la part belle aux thèses racistes véhiculées par le Front national et reprises par la droite classique. «Les différents débats sur le halal, les minarets, la burqa, la laïcité, l'identité nationale, l'immigration et les prières des rues ont libéré la parole des extrémistes sans compter les déclarations d'hommes politiques soucieux de se maintenir au pouvoir en déclarant que les musulmans sont un problème pour la France», a fait constater, indigné, vers la mi-juillet 2012, le président de l'Observatoire national contre l'islamophobie, Abdallah Zekri. La stigmatisation était, cependant, déjà en marche. Elle a été instrumentalisée au plus haut sommet de l'Etat français. Le ministre de l'Intérieur de l'époque, Brice Hortefeux, (un lieutenant de Sarkozy) avait tiré la première salve. A un jeune militant de son parti, issu de l ́immigration, qui souhaitait être pris en photo avec lui lors de l ́université d ́été de l ́UMP (Union, pour la majorité présidentielle), qui s ́est tenue le 5 septembre 2009 à Seignosse dans les Landes, Brice Hortefeux s'était écrié: «Il ne correspond pas du tout au prototype. Il en faut toujours un. Quand il y en a un ça va. C'est quand il y en a beaucoup qu'il y a des problèmes.» Son successeur ira encore plus loin. «En 1905, il y avait très peu de musulmans en France, aujourd ́hui il y en a entre 5 et 10 millions... Cet accroissement du nombre de fidèles et un certain nombre de comportements posent problème. Il est clair que les prières dans les rues choquent un certain nombre de concitoyens...», avait déclaré le 4 avril 2011 Claude Guéant, en marge d ́un déplacement à Nantes (Loire-Atlantique) et à la veille d'un débat sur la laïcité, très controversé, qui a finalement tourné en eau de boudin. Il y a eu aussi l'affaire des tests ADN qui devaient être imposés pour les étrangers candidats au regroupement familial auxquels a dû finalement renoncer le gouvernement de Nicolas Sarkozy. «Cette disposition avait suscité une émotion très palpable qui a nui malheureusement à l ́image de la France à l ́étranger» avait reconnu, au mois de septembre 2009, le ministre de l ́Immigration, Eric Besson. Vint le tour du bras d'honneur de l'ex-ministre de la Défense de Nicolas Sarkozy, Gérard Longuet, adressé à l'Algérie qui a prouvé que la «gangrène» avait atteint les institutions françaises. De quoi parasiter la visite de François Hollande. Le chef de l'Etat français s'attelle à rétablir l'image d'une France, autrefois généreuse, patrie des droits de l'homme, incarnant les vraies valeurs de la République. Pour que les frontons de ses institutions gravés du célèbre triptyque: Liberté-Egalité- Fraternité ne soit pas qu'une vaine devise. En renonçant à remettre en cause les Accords de 1968 (qui accordent aux Algériens certains avantages en matière de séjour et de droits sociaux), le gouvernement socialiste vient de démontrer qu'il ne ménagera aucun effort pour tendre vers des relations apaisées, voire exceptionnelles entre Alger et Paris. Dissiper des malentendus qui se sont durablement ancrés dans la société française ne sera pourtant pas une mince affaire pour le nouveau locataire de l'Elysée. L'affaire des moines de Tibhirine, du diplomate Hasseni, la repentance, la loi du 23 février qui glorifie la colonisation... sont autant de sujets de discorde qui ont servi de baromètre aux relations algéro-françaises: ils ont surtout montré à quel point elles se sont dégradées. Les deux parties disposeront de quarante- huit heures (la visite de François Hollande est prévue pour les 19 et 20 décembre, Ndlr) pour annoncer que le terrain a été déminé. La tâche s'annonce ardue mais pas insurmontable. Face à une société française en proie à la droitisation et à une communauté algérienne dans l'attente de plus de droits, le chef de l'Etat français bénéficie d'une étroite marge de manoeuvre.... Le coup demeure malgré tout jouable.