La visite de François Hollande est une occasion pour la France officielle de prouver sa bonne intention et d'impulser ces relations qui résistent depuis 1962 La France est un partenaire incontournable pour nous et l'Algérie est, de son côté, un partenaire de première importance. Beaucoup de choses éloignent l'Algérie et la France. Mais beaucoup d'autres les rapprochent. Cela dépend de l'angle sous lequel on regarde les choses. Des efforts ont été déployés, de part et d'autre, pour aplanir les différends mais, soit parce qu'ils n'ont pas été suffisamment concentrés sur ce qui unit les deux peuples, soit parce qu'ils ont porté plutôt sur ce qui les sépare: ces efforts n'ont abouti que peu ou pas du tout. La mémoire blessée s'érige, d'un côté, et chasse l'oubli alors que, de l'autre côté, tel un totem de bois, s'élève un refus entêté de reconnaître le tort d'une colonisation qui a laissé son lot de victimes, de plaies et de douleurs. Au besoin de vérité, ressenti de ce côté-ci de la Méditerranée, si nécessaire à un soulagement des esprits et des coeurs, certains opposent, de l'autre côté de la Méditerranée, un concept très contestable d'une colonisation positive. C'est ainsi qu'historiens et intellectuels ont vu leurs efforts mille fois piétinés par des décisions incompréhensibles ou des comportements inacceptables d'hommes politiques. Pourtant, il faut bien qu'un jour la France officielle assume son rôle et ses erreurs si elle désire faire avancer les choses. Le premier à avoir essayé un rapprochement réel entre les deux pays, Jacques Chirac, qui avait fait preuve de beaucoup de sagesse, de compréhension et d'ouverture, ses efforts en direction des rapports d'amitié furent empêchés, de son temps, par ceux dont les voix s'étaient élevées pour refuser cette démarche d'apaisement. Le quinquennat de M.Sarkozy, plutôt marqué par la prépondérance des nostalgiques d'une «Algérie française», pourtant démentie et à tout jamais révolue, n'apporta rien sur le plan de l'amélioration des relations entre les deux pays. Un rapport mercantile, tout juste bon à permettre aux marchandises d'ici et de là-bas de passer les frontières. La conception des relations basées sur le fameux «Kärcher» et la non moins fameuse «racaille» avait rendu les rapports entre les deux pays à leur plus bas niveau, malgré des tentatives des deux côtés de mare nostrum. Mais M.Chirac est parti et M Sarkozy qui n'a pu renouveler son mandat, a dû laisser l'Elysée à M.Hollande. Un ami de l'Algérie, dit-on, un ami de longue date. Avec les expériences passées d'ici et d'ailleurs, il est difficile de savoir ce que signifie exactement l'amitié dans un monde basé sur l'intérêt et l'avantage. Les amis, notre pays en a eus sans que cela puisse changer quelque chose à la donne. Ce qui, de nos jours, est utile et peut rendre service aussi bien à nous qu'aux autres, c'est d'avoir des partenaires respectueux de leurs intérêts et des nôtres. La France est un partenaire incontournable pour nous et l'Algérie est, de son côté, un partenaire de première importance. Si la loi de l'Histoire nous a unis pour le pire, celle de la géographie nous unit pour le meilleur. On ne peut pas faire autrement que de nous entendre, les deux peuples le savent et le reconnaissent. Pourquoi alors s'entêter à vouloir masquer les torts d'une colonisation affreuse? Il y a longtemps que le pas vers la paix aurait dû être franchi par la France officielle, le premier pas, celui qui mène vers une réconciliation sans doute bénéfique pour les deux partenaires. De ce côté-ci, nous ne faisons pas d'amalgame entre la France officielle et le peuple français ami. L'amalgame n'existe que dans les esprits tordus tels les Longuet, les Lepen et consorts. Pour nous, les choses sont très claires. La France officielle doit reconnaître ses fautes. Quant au peuple français, nous ne lui reprochons rien car il n'est mêlé ni de près ni de loin à cette guerre qu'on lui cachait et qu'on lui présentait comme les «évènements d'Algérie», jusqu'à récemment où l'on commença à reconnaître cette guerre si insupportable à dire. La reconnaissance des fautes permettrait aux deux pays d'avancer vers de meilleurs sentiments et de construire un avenir commun meilleur. La visite de François Hollande est une occasion pour la France officielle de prouver sa bonne intention et d'impulser ces relations qui résistent depuis 1962. Ce 19 décembre, le Président Bouteflika recevra pour la troisième fois un président français. En 2005, il reçut M.Chirac, ensuite M.Sarkozy et cette fois M.Hollande. Un Hollande né en 1954 et qui n'a donc aucun reproche personnel à se faire sur la Guerre d'Algérie. Ni décideur, ni soldat lors de cette guerre, il peut prendre les distances nécessaires afin, non pas de condamner la colonisation comme cela a été fait, mais de reconnaître les fautes de la colonisation en Algérie: ce n'est que de cette sorte que les choses pourraient prétendre à l'amélioration. A voir les grandes lignes du programme de la visite de Hollande, cette semaine, on a tendance à croire que le président français pourrait faire le pas si attendu et si nécessaire. Il est fort possible que, lors de son discours devant les deux chambres, il irait dans le sens que l'Histoire et les peuples exigent. Déjà quelques signes, assez forts il faut le reconnaître, laissent croire que la fin d'une ère est proche. Avec sa halte à la Place Audin, François Hollande marquerait une forte rupture avec la politique menée jusque-là quant à tous ceux qui, comme Maurice Audin, cet homme valeureux, ont été torturés jusqu'à la mort pour leurs idées de la vie et leur respect des hommes, qu'ils ne partageaient pas avec les Aussaresses, Bigeard et autre Le Pen. Ce ne sont pas les poignées de nostalgiques de l'Algérie française, ces quelques nomades incertains de l'histoire de l'Humanité, qui devraient dicter son comportement à la République de France, à un moment où l'on n'a jamais été si proches de dépasser enfin les passions et d'attiser les tensions. L'avenir se construit aujourd'hui, pas demain et le passé, pour qu'il n'empêche pas cette construction, doit être rangé, or, pour cela, ici, nous avons besoin que l'on nous comprenne et que l'on s'excuse pour les torts que l'on nous a fait subir. Cela nous aidera à enterrer, à jamais, ce passé et d'aller ensemble faire un bras d'honneur à tous les Longuet de la planète car il est temps, pour les deux pays, de passer à autre chose.