L'Algérie a pris toutes les dispositions qu'impose la situation à ses frontières Sud Le Conseil de sécurité de l'ONU vient de donner son feu vert pour le déploiement d'une force militaire étrangère au Mali. Comme attendu, le second coup d'Etat perpétré contre le gouvernement de transition malien a été un facteur déterminant ayant amené l'ONU à autoriser un dispatching des forces militaires étrangères dans le nord du Mali, en dépit des avertissements exprimés par l'Algérie, le Secrétaire général de l'ONU et de son envoyé spécial pour le Sahel, sur les risques d'une telle approche. Le Conseil de sécurité de l'ONU vient, en effet, de donner son feu vert pour le déploiement d'une force militaire étrangère au Mali. Cette décision ne sera pas sans conséquences sur toute la région dont l'Algérie est bien imprégnée et qui vont certainement conduire à un verrouillage complet des frontières algéro-maliennes, après une fermeture partielle. Adoptée jeudi à l'unanimité par le Conseil de sécurité de l'ONU, la résolution a été élaborée par la France, soutenue par les Etats-Unis, le Royaume-Uni, le Maroc et le Togo. La résolution autorise un déploiement militaire d'une année au Mali. N'ignorant cependant pas l'importance du dialogue, la résolution 2085 du Conseil de sécurité consacre une partie de son texte à ce chapitre dans lequel «Bamako est invitée à lancer un dialogue politique crédible pour rétablir l'ordre constitutionnel par l'organisation d'un processus électoral pour un scrutin présidentiel et législatif avant avril 2013». L'ONU n'a pas omis de faire le point sur des pourparlers, devant être établis avec les mouvements touareg, en particulier. Dans son texte, le Conseil de sécurité appelle également à la reconstruction de l'armée malienne afin de reconquérir le Nord, notamment en organisant l'entraînement de l'armée, la structure de commandement et l'équipement de cette nouvelle armée, avant tout déploiement de soldats dans le nord du Mali pour l'éradication des groupes terroristes d'Al Qaîda, ses affiliés et sa présumée branche armée, le Mujao. Néanmoins, le texte sous-estime la gravité des conséquences que peut engendrer une telle décision, qui au sens des services de sécurité pourrait rompre toute chance de faire évoluer le processus vers une solution pacifique. A ce propos, le Secrétaire général de l'ONU, Ban Ki-moon, mettant en garde contre les dangers d'une intervention militaire dans le nord du Mali, a affirmé dans une lettre transmise au Conseil de sécurité que «cela risquait d'aggraver la situation humanitaire fragile et conduire à des violations des droits de l'homme». Les mêmes avertissements ont été exprimés par l'envoyé spécial du SG de l'ONU pour le Sahel, Romano Prodi, qui avait pris en considération les recommandations de l'Algérie, laquelle a soutenu à plusieurs reprises que «la solution à la crise dans ce pays émane des Maliens eux-mêmes à travers la voie du dialogue». A ce sujet, le président de la République, Abdelaziz Bouteflika, avait souligné que «l'Algérie préconise une solution politique négociée entre le gouvernement malien, renforcé et uni autour d'un projet national consensuel, et les groupes de la rébellion malienne, qui acceptent de rester dans la communauté nationale et qui se démarquent nettement des activités terroristes et criminelles». Mais étrangement, la décision du Conseil de sécurité intervient comme un coup d'épée dans l'eau face aux efforts consentis, notamment par l'Algérie, au moment où elle recevait le président de la République française. Ce qui est plus surprenant, est la position des Etats-Unis, lesquels ont mené une scène théâtrale d'une politique de deux poids, deux mesures. En effet, il y a quelques jours à peine, le commandant d'Africom, le général Carter Ham, semblait transmettre un message bien clair en soutenant une solution négociée au même titre que les affirmations de la chef de la diplomatie américaine, Hillary Clinton, qui faisaient échos aux propos du gradé militaire américain, lors de sa visite à Alger. A l'évidence, «la politique étrangère américaine exprime la chose et fait son contraire», soulignent des observateurs bien avertis, qui soutiennent que le second putsch a été un signal pour la mobilisation d'une force étrangère au nord du Mali. Or, selon le secrétaire d'Etat américain adjoint aux Affaires africaines, Johnnie Carson «les plans de la Cédéao ne répondent pas à plusieurs questions essentielles, dont les capacités des forces maliennes et internationales de réaliser les objectifs de la mission et son financement, estimé à hauteur d'au moins 200 millions d'euros». Ce n'est pas la seule réserve, une agence onusienne met en garde sur d'autres conséquences à savoir «la destruction des infrastructures et la réduction des services de base dans le sud et dans le nord du Mali, l'instabilité des prix sur les marchés, l'accroissement des taux d'insécurité alimentaire et de malnutrition». L'insécurité alimentaire a touché 18 millions de la population du Sahel, rapporte une agence de presse. Pis encore, cette même agence prévient qu'«une intervention militaire pourrait également entraîner une restriction de l'accès humanitaire, des manifestations hostiles à la Cédéao, dont les soldats seront utilisés au nord du Mali, des attaques terroristes dans les pays de la Cédéao qui enverraient des troupes au Mali, une montée de l'hostilité à l'égard des agences des Nations unies en fonction du rôle joué par l'organisation dans l'intervention militaire, une prolifération des milices et des groupes de défense dans le sud du Mali et la quasi-cessation des activités de développement». A ce sujet, selon Philippe Conraud, coordonnateur régional des opérations humanitaires d'Oxfam en Afrique de l'Ouest, qui opère au Mali, en Mauritanie, au Niger et au Burkina Faso: «Il est quasiment impossible de prédire ce qui va se passer, où et quand cela va se passer, alors que les scénarios sont nombreux.» Quatre scénarios au moins ont été élaborés par les équipes humanitaires de plusieurs pays, qui incluent des agences des Nations unies et de ses partenaires, allant «d'une dégradation progressive de la situation dans le nord et dans le sud du Mali sans intervention militaire à une intervention armée soutenue par la Communauté économique des Etats d'Afrique de l'Ouest (Cédéao)». Outre les pertes humaines «les conséquences d'une intervention militaire sont les déplacements de masse, les violences ethniques et la réactivation éventuelle de cellules terroristes dormantes dans le sud du Mali et dans toute la région». Il est donc tout à fait légitime que l'Algérie opte pour la fermeture de ses frontières en cas d'une intervention militaire, une décision de prévention souveraine et normale. L'Algérie ne souhaite certainement pas énoncer des menaces, mais elle est appelée à sécuriser ses frontières. C'est son droit..